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Lettre ouverte de Shimon Samuels publiée en anglais dans The Jerusalem Post
le 3 avril 2021
https://www.jpost.com/diaspora/antisemitism/rejecting-ihra-antisemitism-definition-is-a-return-to-dark-past-opinion-664010

Une lettre ouverte à la maire de Strasbourg, la seule ville française à rejeter la définition de l’antisémitisme de l’IHRA au nom de l’« antisionisme ».

3 April 2021
Des fleurs sont déposées près des monuments commémoratifs où se trouvait autrefois
la chambre à gaz, au camp de concentration de Natzweiler-Struthof à Natzweiler, en Alsace, en 2015.
Photo Patrick Seeger/Reuters

Madame la Maire Jeanne Barseghian, en tant que représentante du parti Les Verts (EELV), vous devez être sensibilisée à l’environnement. Vous devez donc avoir entendu parler du camp voisin de Natzweiler-Struthof où, en 1943, une chambre à gaz a été construite pour exterminer quatre-vingt prisonniers juifs à la demande de l’Institut d’anatomie de l’université de Strasbourg. Leurs squelettes devaient être utilisés pour prouver « l’infériorité de la race juive ». Cet exemple d’antisémitisme devrait être une preuve suffisante de cet empoisonnement environnemental historique.

Ces mois-ci, Strasbourg a fait les frais d’une haine antijuive renouvelée à l’encontre des vivants et des morts, ces derniers dans la vague de profanations de cimetières. Son principal antidote est la définition de l’antisémitisme de l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste), adoptée par plus de trente États membres du Conseil de l’Europe qui siège à Strasbourg, comme par l’Assemblée nationale, des ONG, municipalités, universités et autres institutions.

Strasbourg est apparemment la seule ville à la rejeter au nom de l’« antisionisme ».

Madame la Maire, depuis leur expulsion voilà plus de deux mille ans, les Juifs prient en direction de Sion, le cœur de Jérusalem.

En 1788, l’abbé Henri Grégoire mena deux campagnes : l’abolition de l’esclavage et l’émancipation des Juifs. Son Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs aborde la protection des communautés juives dans les moments les plus violents de la Révolution française. Il devint ensuite conseiller des députés juifs du Sanhédrin, créé par Napoléon. L’abbé Grégoire s’intéressait aussi au lien ininterrompu des Juifs avec la Terre sainte et fut, peut-être, le premier sioniste français.

Les guerres napoléoniennes amenèrent l’armée française à briser les portes des ghettos à travers l’Europe. À son arrivée sur la terre d’Israël, Napoléon publia un manifeste accordant aux Juifs un État indépendant dans leur patrie sous souveraineté française. L’idée fut anéantie par sa défaite militaire.

Les mesures pratiques pour rétablir la souveraineté juive furent la réponse directe du Congrès sioniste, organisé par le journaliste Theodor Herzl, à l’antisémitisme français, généré par l’affaire Dreyfus.

Le président Emmanuel Macron a qualifié l’« antisionisme » de « réinvention de l’antisémitisme ».

En 1968, Martin Luther King Jr., militant des droits civils aux États-Unis, a déclaré : « Quand on critique les sionistes, on veut dire les Juifs. C’est d’antisémitisme dont on parle. »

En 2001, l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères Joshka Fischer, membre du Parti vert, affirmait au Centre Wiesenthal : « L’antisionisme conduit inévitablement à l’antisémitisme. » En 2015, un tribunal d’Essen, en Allemagne, a statué que « le terme ‘‘sioniste’’ dans le langage des antisémites est un nom de code pour ‘‘juif’’ ».

En 2014, j’ai été témoin des manifestations parisiennes contre Israël aux cris de « Mort aux Juifs ! ». Les manifestants propalestiniens avaient le droit de défiler, mais pas de s’écarter pour attaquer les synagogues et les institutions juives.

La campagne BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) contre Israël, bien qu’illégale en France, est omniprésente. Elle rappelle le « Kauft nicht bei Juden » (« N’achetez pas chez les Juifs ») et le saccage des magasins juifs dans l’Allemagne nazie des années 1930. De même, l’attentat du supermarché Hyper Cacher par des terroristes islamistes, qui a coûté la vie à des Juifs français, représente l’apogée de l’antisémitisme antisioniste.

En 2015, notre centre a souligné que « l’antisionisme virulent est souvent un déguisement à peine voilé pour ‘‘antisémitisme virulent’’ ».

Madame la Maire, l’antisionisme devient assurément de l’antisémitisme quand seuls les Juifs se voient refuser leur autodétermination.

Plus de 20 % des citoyens israéliens sont des Palestiniens israélo-arabes. Ils ne s’identifient pas comme sionistes. Pourtant, ils votent aux élections générales et sont représentés à la Knesset. Les Palestiniens auraient pu jouir d’une autodétermination pacifique s’ils avaient accepté la résolution onusienne de 1947 sur la partition. Le monde arabe a préféré aller en guerre. Depuis, ils ont refusé toutes les opportunités, depuis les accords d’Oslo jusqu’à nos jours. Ils préfèrent nier la souveraineté juive en tant que voisins et diaboliser la signification du sionisme.

Qu’ils soient néonazis, d’extrême gauche ou islamistes, tous s’unissent dans une pandémie d’antisionisme antisémite.

Madame la Maire, la décision de votre conseil de rejeter la définition de l’antisémitisme de l’IHRA au nom de l’« antisionisme » pourrait être perçue en soi comme antisémite. Ce n’est certainement pas sa place à Strasbourg.

Nous vous prions instamment de repenser cette décision, ne serait-ce que pour défendre la communauté juive strasbourgeoise, possiblement menacée par une situation des plus graves. L’acceptation de la définition peut en outre aider à nettoyer un environnement empoisonné.

L’auteur de ces lignes est le directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal.