Paris, le 18 juillet 2022
La commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv de 1942 a eu lieu ce dimanche. À cette occasion, Shimon Samuels, le directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal, a déclaré : « Il y a quatre-vingts ans, mettant en œuvre les plans nazis établis par la conférence de Wannsee, la police française organisait une rafle massive de Juifs. Ils furent parqués dans le Vél’ d’Hiv. De là, après des journées de chaleur insupportable et de manque total d’installations sanitaires, ils furent envoyés dans les camps de transit de Drancy et de Pithiviers, puis transportés à Auschwitz par train. »
« Sur les plus de treize mille personnes arrêtées à Paris, la plupart étaient des étrangers qui s’étaient réfugiés en France à la fin des années 1930, fuyant l’Europe centrale et orientale. Parmi eux, plus de quatre mille enfants. »
En 1999, dans une interview bouleversante qui s’est déroulée au bureau européen du Centre Simon Wiesenthal, une rescapée française a raconté comment son père l’avait cachée chez des voisins amis, quelques minutes avant que toute la famille ne fût brutalement jetée dans des camions par des policiers locaux, pour ne plus jamais revenir. Elle avait pris le risque de passer devant le Vél’ d’Hiv pour entrevoir ceux qui y étaient enfermés. Elle s’était même rendue à Drancy pour échanger quelques derniers mots avec son frère à travers une clôture.
M. Samuels a rappelé que, « après la fin de la guerre, la culpabilité ne fut imputée qu’à certains dirigeants connus de Vichy – Pétain, Laval, Doriot, Bousquet – qui se sont soumis aux ordres de l’Allemagne nazie. Mais la complicité des informateurs, de la police, des bureaucrates ou des banques est restée dans l’ombre jusqu’en 1995 ».
Le 16 juillet 1995, lors de la commémoration du 53e anniversaire de cette rafle, le président Jacques Chirac reconnaissait, fait sans précédent, la responsabilité de l’État : « Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français. (...) La France, patrie des Lumières et des droits de l’homme, terre d’’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. »
Les élections présidentielles de 2002 ont vu Jacques Chirac affronter Jean-Marie Le Pen. Le chef du Front national, fervent négationniste, ne cachait pas sa nostalgie du régime collaborationniste de Vichy.
Hier, lors de la commémoration à Pithiviers, le président Emmanuel Macron a dénoncé les anciens dirigeants français pour leur rôle dans la Shoah et dans la rafle du Vél’ d’Hiv. Il a lancé l’alarme : « Nous n’en avons pas fini avec l’antisémitisme… Il s’affiche sur les murs de nos villes, il s’infiltre dans les réseaux sociaux... Il s’immisce dans les débats sur les plateaux de télévision. Il joue de la complaisance de certaines forces politiques. Il prospère aussi autour d’une nouvelle forme de révisionnisme historique, voire de négationnisme... Nous continuerons de l’enseigner [l’histoire de la Shoah] contre l’ignorance, nous continuerons de la pleurer contre l’indifférence… »
Shimon Samuels avec le président Macron (photo Alain Azria).
Macron venait de remporter à nouveau le combat présidentiel contre l’extrême droite, en la personne de Marine Le Pen. Un autre candidat avait même fait l’éloge de Pétain et de Vichy pour n’avoir déporté « que » des Juifs étrangers. Ces élections faisaient suite à la recrudescence de théories du complot antisémites et de la haine, alimentée par la polarisation autour de la pandémie de Covid, la crise économique et les défis géopolitiques.
« De Chirac à Macron, les trente dernières années ont connu une évolution de l’éducation de la Shoah, mais la quasi-disparition des témoins directs. Transmettre cette Mémoire est un facteur clé pour la jeunesse de France et de nombreux autres pays, d’autant plus que l’antisémitisme se confirme comme un virus persistant, en constante mutation. On peut le maîtriser, mais il ne disparaît jamais », concluait Shimon Samuels.