Paris, le 27 juin 2022
Dans une lettre adressée à Josep Borrell Fontelles, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le directeur des Relations internationales du Centre Wiesenthal, Shimon Samuels, le mettait en garde : son discours de Téhéran faisait écho à la déclaration de Neville Chamberlain de 1938. Après une discussion qu’il avait eue avec Adolf Hitler, le Premier ministre du Royaume-Uni avait déclaré : « ... Je reviens d’Allemagne et j’apporte la paix avec honneur. Je crois sincèrement que c’est la paix pour notre temps... Rentrez chez vous et dormez sur vos deux oreilles. »
M. Samuels invoquait M. Borrell : « En tant que citoyen binational espagnol et argentin, rappelez-vous le rôle que Téhéran a joué dans l’attentat de Buenos Aires perpétré en 1992 contre l’ambassade d’Israël (29 morts et 242 blessés) et dans le massacre du centre juif Amia en 1994 (85 morts et plus de 300 blessés). »
Les suspects iraniens de l’attentat de 1994 contre le centre juif Amia. Ils figurent sur la liste
des « notices rouges » d’Interpol.
En 2015, quelques jours seulement avant son assassinat, Alberto Nisman, le procureur chargé de l’enquête sur l’attentat à la bombe de l’Amia (Association mutuelle israélite argentine), avait révélé à l’auteur de ces lignes le réseau de cellules dormantes du Renseignement étranger de la Force Al-Qods (les forces spéciales du Corps des Gardiens de la révolution islamique, le CGRI), ainsi que la présence de membres du Hezbollah dans neuf pays d’Amérique latine, attendant les ordres de l’Iran pour agir.
L’actuel PAGC (Plan d’action global commun) – alias l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien – est aussi opaque que l’accord de Munich « Paix pour notre temps » de 1938 et le « protocole d’accord » irano-argentin de 2013 en échange de « l’oubli » de l’attentat à la bombe de l’Amia.
Ce n’est que récemment que l’AIEA (l’Agence internationale de l’énergie atomique) a dévoilé que son dispositif utilisé pour contrôler le programme nucléaire iranien a été retiré. Il s’agissait de caméras destinées à montrer la bonne foi de Téhéran dans la limitation du processus d’enrichissement de l’uranium. De même, l’Iran a refusé de laisser contrôler son programme de missiles balistiques.
Il y a d’autres facteurs qui restent ignorés :
- les actes continus de piraterie de l’Iran, qui attaque des pétroliers dans le Golfe ;
- son concours annuel de caricatures antisémites, qui présente la Shoah comme un mensonge ;
- le soutien de l’Iran au mouvement terroriste Hamas, dont la charte appelle à « tuer les Juifs où qu’ils se trouvent ».
En tant que représentant d’une ONG à l’Unesco, j’avais demandé au délégué iranien d’expliquer la haine de l’Iran pour Israël, alors qu’il n’y a pas de revendications territoriales directes. Sa réponse solennelle a été : « Au nom des Palestiniens ! »
À la Foire du livre de Francfort, j’avais posé cette question à un fonctionnaire sur le stand iranien : « Si Israël et les Palestiniens font la paix, que ferez-vous ? » Il m’avait répondu : « Nous ne laisserons jamais cela se produire. »
Monsieur Borrell, en effet Hitler et son parti national-socialiste ont eu besoin de sept ans au pouvoir pour endoctriner des millions de personnes avec leur idéologie de haine. Les ayatollahs et leur CGRI ont eu quarante-trois ans pour semer le chaos.
Monsieur le Haut Représentant, votre discours de Téhéran doit être quelque peu clarifié :
- Vous avez mentionné « l’agression de la Russie contre l’Ukraine (...) qui a complètement transformé l’environnement géopolitique ». Pourtant, bien que la Russie soit membre du PAGC, elle est également partenaire de l’Iran dans le soutien au régime syrien. L’accord du PAGC signifie-t-il que nous allons accepter du pétrole et du gaz iraniens négociant à partir d’une position de faiblesse ?
- Vous avez également évoqué « la détention de citoyens européens ici en Iran... un nombre croissant de cas ». Les ressortissants étrangers retenus de façon arbitraire ne doivent-ils pas être considérés comme des otages de facto ?
- Vous avez conclu votre discours en annonçant que les États-Unis étaient de retour dans les négociations du PAGC. Or, Washington a refusé la demande de Téhéran de retirer le CGRI de la liste des organisations terroristes. Pour exercer un minimum de pression, ne serait-il pas judicieux que l’Union européenne fasse de même en ajoutant le CGRI à sa liste d’organisations terroristes ?
Par ailleurs, une levée des sanctions risque d’être une manne pour le terrorisme dirigé par l’Iran, même en Europe.
Monsieur Borrell, pour sortir de l’impasse, il faut que la vérité soit dite. Appeler l’Iran à rendre des comptes de ses responsabilités serait un petit gage pour mettre en œuvre une véritable « paix pour notre temps » et ne pas nous « renvoyer à la maison pour dormir sur nos deux oreilles ».