Article de Shimon Samuels publié en anglais dans The Jerusalem Post
le 23 mai 2022
https://www.jpost.com/opinion/article-707482
Dieudonné est devenu un polémiste politique. Il est déterminé à diffamer, dénier et ridiculiser la Shoah et les Juifs – motifs pour lesquels il a maintes fois été envoyé devant les tribunaux.
On se rappelle comment Dieudonné M’bala M’bala a commencé sa carrière de comédien, avec son ami juif, Élie Semoun. Après leur séparation, Dieudonné est devenu antisémite, exprimant son amitié avec feu Robert Faurisson, le tristement célèbre négationniste de la Shoah, et Jean-Marie Le Pen, le fondateur du parti d’extrême droite Front national qui avait prétendu que « les chambres à gaz pour tuer des Juifs ne sont qu’un détail de l’Histoire ». Jean-Marie est le père de Marine, arrivée seconde aux dernières élections présidentielles françaises.
L’antisémitisme a toujours imprégné la carrière artistique de Dieudonné. Dans l’un de ses longs métrages les plus bizarres, L’Antisémite, sa femme le supplie d’aller chez un psychologue pour traiter sa judéophobie, seulement pour découvrir que ce psychologue est juif, tout comme sa femme.
Dieudonné est devenu un polémiste politique. Il est déterminé à diffamer, dénier et ridiculiser la Shoah et les Juifs – motifs pour lesquels il a maintes fois été envoyé devant les tribunaux. Ses avocats ont utilisé toutes les formules possibles de liberté d’expression pour justifier sa haine des Juifs. Le Centre Wiesenthal a dénoncé à plusieurs reprises son antisémitisme. L’aspect financier a été plus fructueux.
L’aspect financier
Bien qu’il ait pu, au fil des ans, construire un système branlant de placements obscurs et prétendre être sans le sou, utilisant sa femme ou des sociétés écrans en France et au Cameroun, Dieudonné a été condamné à des peines de prison avec sursis et à des amendes par plusieurs tribunaux français pour détournements de fonds et fraudes.
Après des décennies d’insolvabilité envers les propriétaires juifs du théâtre parisien La Main d’Or, où il se produisait habituellement, il a finalement été condamné à payer des arriérés, et a été définitivement expulsé du théâtre le 8 novembre 2017. C’est sur cette scène qu’il a inventé la quenelle – un salut hitlérien à l’envers – et qu’il a lancé sa troupe de danseuses, qu’il a surnommées « les Shoah nanas ». Le même jour, il a également été condamné pour son spectacle antisémite.
Le test politique
En 2009, Dieudonné a cofondé le Parti antisioniste pour les élections européennes, qui réunissait des militants d’extrême droite, d’extrême gauche et des fondamentalistes religieux. Parmi ses acolytes politiques : Alain Soral – antisémite d’extrême droite, théoricien du complot et négationniste ; Yahia Gouasmi – propagandiste chiite, président et financier du parti, agent de liaison iranien présumé ; et Ginette Hess-Skandrani – ancienne militante du parti Les Verts, expulsée, devenue antisioniste et militante pro-Hamas.
Le parti – qui se vantait du soutien de Ramírez Sánchez alias Carlos le Chacal, du Hamas et du Hezbollah, entre autres –, a été dissous en 2019. Paradant sa diatribe antisioniste et anti-occidentale au fil des ans, Dieudonné est accueilli aussi bien chez des représentants sunnites que chiites. Il s’est rapproché de dirigeants mondiaux tels que l’ancien maître de la Libye Mouammar Kadhafi, l’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad, l’ancien président bolivien Hugo Chavez et l’actuel président de la République arabe syrienne Bachar el-Assad.
Le verdict suisse
Lors d’un récent procès jugeant un spectacle de 2019, un tribunal genevois a déclaré Dieudonné coupable de discrimination raciale et d’avoir consciemment et volontairement fait des remarques négationnistes et discriminatoires à l’encontre de victimes de la Shoah de manière à porter atteinte à leur dignité humaine. Cette décision est basée sur des arrêts de 2005 de la Cour européenne des droits de l’homme selon lesquels le discours négationniste ne peut être assimilé à la liberté d’expression.
Lundi dernier, le tribunal genevois a condamné Dieudonné à payer une amende de 30 600 francs suisses (30 000 euros).
En tournée du 3 au 18 juin prochain, il sillonnera la France, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse. Considérant l’apparente récidive de Dieudonné à éviter de payer ses amendes, le Centre Wiesenthal a appelé la police genevoise à le détenir sur le sol suisse jusqu’à ce qu’il s’acquitte de sa peine pour négationnisme et judéophobie.
Dieudonné M’bala M’bala a employé appel après appel pour reporter toute sanction d’incitation à la haine. Peut-être faudra-t-il un tribunal suisse pour qu’enfin justice soit rendue.
L’auteur de ces lignes est le directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal.