Paris, le 23 mai 2022
Monsieur Darmanin,
Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter pour la reconduction de vos fonctions au ministère de l’Intérieur dans le nouveau cabinet du gouvernement.
Vous vous rappelez sans doute notre conversation au cours de laquelle je vous avais félicité pour votre décision de fermer les mosquées dont les imams prêchaient l’antisémitisme. Vous avez toujours pris position pour la défense de l’État de droit et par conséquent pour celle de la communauté juive de France.
Notre Centre est aujourd’hui gravement perturbé par l’assassinat perpétré à Lyon la semaine dernière de René Hadjadj, âgé de 90 ans. Cet acte rappelle l’affaire Sarah Halimi, jetée de son balcon du troisième étage après avoir été sauvagement battue par son voisin aux cris de « Allahou Akbar ! ».
Il semblerait que le voisin de René Hadjadj l’ait forcé de sortir de son appartement situé au deuxième étage d’un immeuble élevé pour l’emmener au dix-septième étage, et qu’il l’y ait défénestré.
Le bâtiment se trouve dans le quartier lyonnais de La Duchère, hélas considéré comme faisant partie des quartiers sensibles. La majorité de sa population y est issue de l’immigration. Les habitants seraient exaspérés par des échanges de tirs entre gangs survenus récemment.
La police, qui a placé le meurtrier présumé de 51 ans en détention, a jusqu’à présent écarté l’hypothèse d’un acte antisémite, bien que la victime soit connue pour être un Juif orthodoxe, portant habituellement une kippa.
Il y a seulement deux mois, Jérémie Cohen, 31 ans, a été agressé par un groupe de jeunes hommes dans une banlieue parisienne. En fuyant ses agresseurs, il a été tué par inadvertance par un tramway. Bien qu’apparemment il portât une kippa, la police locale avait d’abord considéré l’affaire comme un simple accident et, jusqu’à présent, le juge d’instruction rejette l’accusation d’antisémitisme à l’encontre des suspects ayant reconnu les faits.
Monsieur le Ministre, permettez-nous de vous suggérer un simple changement de procédure : de telles agressions devraient d’abord être identifiées par la police comme « potentiellement antisémites » – ou comme des « crimes haineux » pour les victimes non juives... Il devrait alors incomber au juge d’instruction de déterminer si le meurtre a été engendré par la haine contre un groupe – ce qui aggraverait ainsi la nature du crime et la peine qui en résulterait. Il serait judicieux que les forces de police et les magistrats intègrent la définition de l’antisémitisme de l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste). Celle-ci a été adoptée par l’Assemblée nationale et elle est disponible à notre bureau parisien.
Monsieur le Ministre, il ne peut y avoir de répétition de l’annulation du procès du meurtrier de Sarah Halimi, jugé irresponsable parce que sous l’influence de stupéfiants. Dans de telles affaires, des peines trop légères sont, en fait, des invitations à l’héroïsation de leurs auteurs et une inspiration pour d’autres auteurs de violences.
Veuillez agréer, Monsieur Darmanin, l’expression de notre haute considération.
Dr Shimon Samuels
Directeur des Relations internationales
Centre Simon Wiesenthal