« La haine religieuse des Juifs revient sur le devant de la scène européenne. »
Paris, le 27 avril 2022
Malgré la déclaration du gouvernement néerlandais de 2019 selon laquelle « l’antisémitisme est sur la liste des priorités nationales », la judéophobie n’est pas seulement l’apanage du violent islamisme radical ou du terrorisme antisémite.
La haine religieuse des Juifs est revenue sur le devant de la scène à travers l’Europe. Un christianisme d’extrême droite/néandertalien rejaillit de sombres cavernes, surtout à Pâques.
Une de ses formes pourrait se comparer aux cultes de certains membres qui laisseraient des prospectus sous les essuie-glaces des voitures ou sous les paillassons des habitations, peut-être quelques centaines par jour... des prospectus généralement ignorés ou froissés et jetés. Maintenant, grâce aux réseaux sociaux, ce type de détritus atteint instantanément des dizaines de milliers de smartphones, qui affectent principalement les jeunes. Mais « le vieil antisémitisme traditionnel » continue également d’entacher fêtes et festivals à travers le continent.
Le directeur des Relations internationales du Centre Wiesenthal, Shimon Samuels, en rappelle quelques exemples :
- Une peinture de Juifs saignant un enfant chrétien – pour leur besoin de cuire le pain azyme de leur Pâque – accrochée dans une église de Marina di Massa, en Toscane. À l’époque, cette église organisait ses concours annuels d’essais pascals sur ce thème. Une fois alerté, le gouvernement italien a pris les mesures nécessaires contre cette accusation de meurtre rituel.
- Un village près de Madrid tirait au sort ceux qui étaient censés jouer le rôle des Juifs, aspergés de vin et trempés dans des tonneaux portés par des taureaux.
- Le carnaval d’Alost 2019 a vu des chars portant de vilaines caricatures de Juifs, assis sur des piles de pièces d’or – rappelant les chars de propagande antisémite nazie de 1936 à Marbourg. Ce carnaval belge a perdu son statut à l’Unesco.
Cette année, pour la semaine de Pâques, une très vieille tradition antisémite perdure dans les processions pittoresques d’Ootmarsum, aux Pays-Bas. Les chanteurs qui jouent le rôle des catholiques – dirigés par leur « trésorier » incarnant Judas – entonnent « Jetez le Juif dans le puits »… Ils expliquent que « les Juifs, avec leur faux conseil, ont sacrifié Jésus sur la croix ».
Cette tradition serait plus que centenaire. Conformément à la déclaration Nostra Aetate du concile Vatican II de 1965, la formulation a été changée en 1968 : « les Juifs » ont été remplacés par « le peuple »… mais le terme « Juifs » a été repris l’année suivante, et il est employé jusqu’à nos jours.
Le centre hollandais d’information et de documentation sur Israël, le Cidi, a informé M. Samuels qu’aux Pays-Bas, pires qu’Ootmarsum, les Passions de Bach selon saint Matthieu et saint Jean représentent Judas puis Barabbas comme le Juif qui aurait dû être crucifié. Cette Passion est jouée spécialement dans les jours qui précèdent Pâques. Sa dramaturgie peut facilement conduire au ressentiment et à la haine.
Notre Centre attend du gouvernement néerlandais qu’il prenne les mesures appropriées.
M. Samuels rappelait un autre exemple, non juif, mais toujours un cas important de haine menant à la violence. Il s’était rendu à Belfast le jour où les protestants de l’ordre d’Orange défilaient. Le mur entre les parties protestante et catholique de la ville avait heureusement été fermé. Au crépuscule, les protestants ont allumé un feu de joie pour brûler l’effigie catholique. La haine était palpable, les deux parties étaient prêtes à la violence.
Une plaisanterie circulait à cette occasion : on avait arrêté une voiture à la barrière de séparation entre les deux communautés. Un garde a demandé au conducteur : « Êtes-vous protestant ou catholique ? » Il a répondu : « Ni l’un ni l’autre, je suis juif ! » Mais le garde a insisté : « Oui, mais êtes-vous juif protestant ou un juif catholique ? »
« Que cette plaisanterie serve d’exemple sur la façon de désamorcer la haine », concluait Shimon Samuels.