Le 21 janvier 2022
Ce 20 janvier, le Centre Simon Wiesenthal, la Henry Jackson Society et la House of the Wannsee Conference ont organisé une conférence en ligne, en anglais, sur les quatre-vingts ans du protocole de Wannsee – une alarme pour d’autres génocides ?
Moment charnière de la Solution finale de la « question juive », la conférence de Wannsee, qui se tint le 20 janvier 1942, mit au point sa mise en œuvre. Le protocole qui s’ensuivit détaillait le meurtre systématique de la totalité du peuple juif. Après plus de douze ans de digestion de la haine nazie, c’était pour le Mal absolu un banal exercice. La bureaucratie, autant que la technologie, était essentielle à sa réalisation.
La crise mondiale actuelle regorge de théories du complot et de déchaînements de haine. Les extrémistes de la droite radicale en particulier, inspirés par le protocole de Wannsee, injectent leur venin à travers les réseaux sociaux.
Alan Mendoza, directeur exécutif de la Henry Jackson Society, a officié en tant que modérateur de cette réunion. Il a rappelé la collaboration au fil des ans de son organisation avec le Centre Wiesenthal et souligné l’intérêt pédagogique de cet événement : « Il met en lumière des faits historiques moins connus, mais appelle également à agir sur ses conséquences. »
Shimon Samuels, directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal, s’est concentré sur le facteur « et si? » de l’Histoire : « Et si les nazis avaient réussi à envahir la Grande-Bretagne ? Et si Rommel avait été victorieux à El Alamein et avait avancé à travers l’Égypte jusqu’à la Terre d’Israël et vers la Syrie et la Perse ? Le sort de la communauté juive britannique ainsi que celui des Juifs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (la région MENA) aurait été scellé. »
« Après quatre-vingts ans, le protocole de Wannsee représente la singularité de la Solution finale, mais il sert aussi de paradigme à la mémoire des victimes d’autres génocides. »
Deborah Hartmann, directrice de la Maison de la conférence de Wannsee, a rappelé que « les quinze bureaucrates nazis réunis à Wannsee en 1942 n’ont pas négocié le « si » mais le « comment » pour mettre en œuvre l’extermination de onze millions de Juifs ».
« Cinquante ans après cette infâme conférence, la villa de Wannsee est devenue un mémorial et un site éducatif, grâce aux survivants juifs de l’Holocauste. Pendant des décennies, dans l’Allemagne d’après-guerre, ils ont lutté contre le négationnisme et promu l’étude et la documentation des crimes nazis et de la Shoah. Le combat contre l’antisémitisme – dans ses multiples formes d’antisionisme, de discours haineux, de banalisation, de stéréotypes... – est toujours très pertinent aujourd’hui. »
Matthias Küntzel, politologue et historien, membre du Conseil allemand des relations étrangères (DGAP), a révélé que, « si le protocole de Wannsee répertoriant les onze millions de Juifs européens est bien connu, on connaît moins le projet nazi d’exterminer les Juifs à l’extérieur de l’Europe, en particulier en Palestine – projet promis par Hitler au Grand Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, à peine deux semaines avant Wannsee ».
« Après 1945, l’idée d’empêcher à tout prix la création d’un État juif a perduré. Al-Husseini a servi de lien avec le projet d’Hitler, incitant d’autres États arabes à déclarer la guerre à l’État nouvellement créé. Et l’Égypte était aiguillonnée par les Frères musulmans. Après leur défaite, ces derniers ont passé le relais à un dignitaire religieux iranien, Rouhollah Moussavi, devenu plus tard l’ayatollah Khomeini. Lui et ses successeurs ont promis de ‘‘rayer Israël de la carte d’ici 2040 !’’ La communauté internationale ne prend pas ces menaces assez au sérieux. »
John Mann, conseiller indépendant du gouvernement britannique sur l’antisémitisme, a souligné « le rôle des petits agresseurs, les ‘‘moins-que-rien’’ – bureaucrates, commis, mais aussi la majorité silencieuse – qui ont joué leur rôle dans la mise en œuvre des projets de leurs dirigeants. Aujourd’hui aussi, nombreux sont ceux qui contribuent à la perpétuation de l’antisémitisme en ne réagissant pas dans les moments critiques ».
« Chacun d’entre nous doit tirer les leçons du protocole de Wannsee, s’élever contre les antisémites, saluer et poursuivre les bonnes pratiques. »
Isabel Sawkins, chargée de recherche à la Henry Jackson Society, a mis l’accent sur « la résurgence actuelle de la dangereuse rhétorique prônée par l’extrême droite – en particulier antisémitisme, antisionisme, négationnisme et distorsion de l’Holocauste – et sur ses conséquences dévastatrices ».
« L’accès des pourvoyeurs de haine aux réseaux sociaux n’est pas réglementé. Ils parviennent à se réunir et à se coordonner, influençant les jeunes comme jamais auparavant. Comme il a été mentionné, le protocole de Wannsee doit être un avertissement, non pas un précédent. »
Les discours ont été suivis d’une séance de questions-réponses.
La vidéo du webinaire (en anglais) est disponible sur YouTube à l’adresse suivante : https://www.youtube.com/watch?v=gjuNIUDxqgQ