Le 4 novembre 2021
« L’impact de la Seconde Guerre mondiale sur les Juifs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord »
La conférence commémorative annuelle dédiée à Simon Wiesenthal, intitulée « L’impact de la Seconde Guerre mondiale sur les Juifs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord », a été donnée ce 28 octobre par Reeva S. Simon, historienne et auteure, à l’approche du 83e anniversaire de la Nuit de cristal de 1938.
Sous les auspices du Centre Simon Wiesenthal au Royaume-Uni et de Harif, l’association des Juifs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (région MENA) basée au Royaume-Uni, la réunion Zoom de cette année s’est intéressée à l’histoire encore peu connue des souffrances endurées par cette communauté pendant l’Holocauste.
Voir sur YouTube (en anglais) :
https://www.youtube.com/watch?v=6eddSZx8qyk&t=36s
La conférence commémorative a été ouverte par Shimon Samuels, directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal. Il a souligné que « nous nous retrouvons presque à la veille du 83e anniversaire de Kristallnacht – la Nuit cristal de 1938, prélude à l’Holocauste ».
Il a rappelé que « seuls 48 kilomètres de mer (la Manche) séparaient les Juifs britanniques de l’Holocauste qui ravageait le continent. Dans le protocole de Wannsee, la liste nazie des morts programmés s’élevait à 11 millions dans toute l’Europe... Les plus d’un million de Juifs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord auraient été ajoutés si Rommel avait gagné El-Alamein... Le facteur ‘‘et si ?...’’ de l’histoire de la région MENA est moins connu, mais les Juifs de cette région avaient leurs propres Nuits de cristal : en Irak, le Farhoud ; en Libye, l’internement des Juifs et la déportation des réfugiés juifs d’Europe... ».
Lyn Julius est journaliste, fondatrice de Harif et auteure de Uprooted: How 3,000 years of Jewish civilization in the Arab world vanished overnight (« Déracinés : comment 3 000 ans de civilisation juive dans le monde arabe ont disparu du jour au lendemain »), ouvrage publié dans plusieurs langues et bientôt en arabe.
Elle a indiqué qu’il s’agissait du troisième événement conjoint du Centre Wiesenthal et de Harif, à chaque fois pour sensibiliser le public au sort des Juifs de la région MENA avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale... Elle a particulièrement remercié Reeva Simon pour son livre The Jews of the Middle East and North Africa: The Impact of World War II (« Les Juifs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord : l’impact de la Seconde Guerre mondiale »), « qui comble une énorme lacune dans la connaissance de cette partie obscure de l’Histoire et qui corrige l’idée fausse selon laquelle les Juifs de la région MENA n’ont pas été affectés par la guerre d’Hitler et par l’Holocauste ».
La conférencière invitée, Reeva Spector Simon, a été directrice associée du Middle East Institute de l’université Columbia. Son exposé a mis en lumière des faits peu connus :
- le Mein Kampf d’Hitler a été publié sous forme de feuilleton dans des journaux arabes ;
- dans les années 1930, les Juifs égyptiens boycottaient les produits allemands ;
- des camps de travaux forcés ont existé pour les Juifs à travers le Sahara ;
- Tel-Aviv et Haïfa ont été bombardées par des avions de l’Italie fasciste ;
- 180 Juifs irakiens ont été tués en une nuit à Bagdad au cours du Farhoud de 1941 ;
- en Iran, des Juifs ont sauvé des enfants fuyant la Pologne ;
- des Juifs algériens ont participé à l’invasion alliée de l’Afrique du Nord ;
- en Turquie, en Syrie, en Iran et au Maroc, les Juifs ont porté secours aux réfugiés européens...
Reeva Simon a expliqué comment « l’histoire des Juifs de la région MENA fait partie intégrante de la réalité de la Seconde Guerre mondiale. Cette communauté a subi des bombardements et des invasions, des législations antisémites, le travail forcé et les déportations, des attaques et un appauvrissement net et généralisé. Elle a malgré tout travaillé et combattu avec les Alliés, et a prêté assistance aux réfugiés fuyant l’Europe occupée par les nazis ».
Son discours portait sur les communautés juives de la région MENA du Maroc à l’Asie centrale, sur le réseau d’écoles juives, sur leur intégration dans le monde musulman et leurs relations avec les dirigeants successifs...
La colonisation européenne a commencé à modifier la géographie et la politique de la région, ainsi que les relations entre juifs et musulmans, déclenchant par réflexe des nationalismes contre les puissances coloniales, nationalismes exacerbés par l’Allemagne nazie... Le cercle est entré dans une nouvelle vague d’antisémitisme d’inspiration nazie... Avec de nouveaux mouvements politiques considérant le Mein Kampf d’Hitler comme un plan d’action, la Nuit de cristal a fait de l’Holocauste l’objectif à atteindre.
Une séance de questions-réponses a réuni des participants qui, enfants, avaient vécu les événements dramatiques racontés par Reeva Simon. Cf. ci-dessous le témoignage personnel poignant d’Isaac Sadaka.
David Dangoor, président du Centre Simon Wiesenthal au Royaume-Uni, qui a passé son enfance à Bagdad, a clos la réunion. Il a remercié « tous les participants et en particulier Reeva Simon et Lyn Julius d’avoir donné, à travers leurs livres, une rigueur académique à un sujet qui suscite maintenant l’intérêt du public et l’attention des médias ».
Il a ajouté : « L’initiative d’aujourd’hui contribuera à modifier de façon positive l’opinion du public, car elle pénètre à la racine des problèmes au Moyen-Orient, en particulier en ce qui concerne la capacité à tolérer la différence. »
Isaac Sadaka - Souvenir du Farhoud, juin 1941
« Je me suis caché dans un fossé pour éviter d’être massacré par une foule enragée, j’ai été mordu par un serpent et j’ai éprouvé une douleur atroce. Pourtant, après un certain temps, j’ai été immunisé et la morsure de serpent s’est transformée en baiser d’amour. Par la suite, nous avons vécu dans l’harmonie et la coexistence. Ceci, après deux jours de carnage et d’invasion dans le sanctuaire de nos maisons par des foules féroces, se livrant au massacre des hommes, des femmes et des petits enfants, au viol des femmes et au lancement des cadavres de nouveau-nés dans la rivière.
« Je ne me suis pas aventuré à sortir de ma cachette et à regarder dans les yeux ces horribles visages qui ne connaissent aucune pitié et qui ont fini par échapper à la justice. Je ne voulais plus être citoyen respectable d’un pays qui n’a pas le courage moral de punir ceux qui s’étaient livrés à un acte barbare d’une sauvagerie impitoyable. Un pays qui manque à son obligation morale d’indemniser les familles qui ont perdu leurs proches du fait d’actes criminels honteux de trahison et de barbarie totale. »
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« Ma cause était la justice, non la vengeance. Mon travail est pour un lendemain meilleur et un avenir plus sûr pour nos enfants et nos petits-enfants. » (Simon Wiesenthal, 1908-2005)