Paris, le 28 décembre 2020
Monsieur le Premier Ministre,
Le Centre Simon Wiesenthal est une ONG juive internationale de défense des droits de l’homme. Fondé à Los Angeles en 1977, le Centre compte plus de quatre cent mille membres. Il applique les leçons de l’Holocauste pour lutter contre l’antisémitisme et d’autres formes contemporaines de discrimination et de haine. Le Centre est accrédité en tant qu’ONG auprès des Nations unies, de l’Unesco, de l’OSCE, de l’Organisation des États américains (OEA), du Parlement latino-américain (Parlatino) et du Conseil de l’Europe.
Nos membres du monde entier ont été profondément émus par votre message à l’occasion du centenaire de la conférence de San Remo de 1920. L’État juif est né à San Remo, « où les grandes puissances mondiales de l’époque ont accepté le principe d’un foyer pour les Juifs sur la Terre d’Israël. »
En janvier 2020, le gouvernement italien a adopté la définition de l’antisémitisme de l’IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste). L’Italie s’est conformée à la recommandation de l’Alliance d’établir une coordinatrice nationale, le professeur Milena Santerini, qui a récemment réitéré la nécessité de promouvoir l’adoption de la Définition dans tous les secteurs de l’administration et des affaires. Elle suggère également des changements concrets au code pénal et une vaste mise en œuvre de la surveillance des crimes haineux au sein des ministères et des institutions.
Monsieur le Premier Ministre, la Définition de l’antisémitisme est un outil éducatif majeur pour identifier la haine des Juifs, paradigme pour d’autres formes de discrimination. Un nombre croissant d’États et d’organisations internationales l’approuve – tels l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, dont l’Italie est un État membre –, d’universités, de clubs de football et de fédérations sportives et d’un groupe de plus en plus important d’ONG, en Europe et dans le monde entier.
Néanmoins, des membres italiens du Centre Wiesenthal ont attiré notre attention – dans certains journaux nationaux et réseaux sociaux – sur des personnalités politiques d’extrême droite et d’extrême gauche qui expriment leur opposition à la définition de l’IHRA, et en particulier sur leur préjugé sélectif avec sa panoplie d’exemples d’antisémitisme. Cela inclut, d’une part, le négationnisme et, d’autre part, « l’antisionisme ». Cette dernière notion révèle un antisémitisme camouflé : priver le peuple juif de son droit souverain à l’autodétermination équivaut, en soi, à de l’antisémitisme.
La définition de l’IHRA n’est pas un vaccin pandémique à administrer avec son rappel. C’est un corps intégral et indivisible. De même, le langage de l’Alliance n’est pas ambigu, mais précis. Il ne s’agit pas d’accepter la Définition passivement, mais de l’adopter activement, et donc de l’appliquer par voie législative et politique.
À l’occasion du premier anniversaire de l’adoption par l’Italie de la définition de l’IHRA, nous comptons sur vous, Monsieur le Premier Ministre, pour résister aux pressions des extrémistes qui souhaitent affaiblir la position de l’Italie en Europe et parmi les démocraties mondiales. De la conférence de San Remo à l’adoption de la définition de l’IHRA dans son ensemble, l’Italie suit une voie cohérente de vérité et de justice.
Nous souhaitons à l’Italie un prompt rétablissement de la pandémie qui sévit cette année, fléau qui a profondément affecté la société à bien des égards.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Dr Shimon Samuels
Directeur des Relations internationales
Centre Simon Wiesenthal
lettera_a_Giuseppe_Conte_re_IHRA.pdf
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Si vous êtes témoin ou victime d’antisémitisme ou de toute forme de discrimination dans les réseaux sociaux, veuillez nous contacter.
« La haine est un boomerang, qui revient vers tout le monde et n’épargne personne, ni les faibles ni les puissants. » Simon Wiesenthal, 1908-2005 (extrait de son ouvrage Justice n’est pas vengeance)