Éditorial de Shimon Samuels et Graciela Vaserman-Samuels publié en anglais dans The Jerusalem Post
Le 19 mars 2020
https://www.jpost.com/Opinion/Malthusian-coronavirus-Nowhere-to-run-to-621640
Maintenant que nous, les personnes âgées, sommes libérées de nos obligations, on nous demande de rester confinés chez nous. De toute façon, il n’y a logiquement guère d’autre endroit où nous pouvons échapper au virus.
Des voyageurs déambulent dans l’aéroport international JFK de New York, après l’annonce
que le coronavirus s’est propagé dans la ville (photo Reuters).
De retour en Israël après avoir participé à Washington à la convention de l’Aipac (American Israeli Public Affairs Committee), j’ai dû m’isoler en confinement pendant quatorze jours.
Maintenant que ma quarantaine est levée, on nous demande, à nous les personnes âgées, de rester confinés chez nous. De toute façon, il n’y a logiquement guère d’autre endroit où nous pouvons échapper au virus.
Cette menace qui pèse tout particulièrement sur les citoyens seniors rappelle l’Essai sur le principe de population de Thomas Robert Malthus, publié en 1798.
Le malthusianisme considérait la croissance démographique comme un danger quantifiable face à l’approvisionnement en nourriture. En guise de réponses, la doctrine préconisait l’abstinence sexuelle, le recul de l’âge du mariage et l’interdiction aux pauvres et aux handicapés de se marier.
Entre autres solutions, Malthus prévoyait des décès prématurés dus aux maladies, à la famine ou à la guerre, qui permettraient de ramener la population à un niveau plus soutenable.
Il est curieux de constater que le coronavirus a émergé en Chine, le pays qui a imposé jusqu’à récemment la politique de l’enfant unique.
Le néo-malthusianisme a influencé la théorie de l’évolution de Charles Darwin et sa « loi du plus fort ». Un concept repris et déformé plus tard par l’eugénisme et le nazisme, qui a entraîné l’euthanasie des handicapés et l’extermination des prétendues « races inférieures », principalement les Juifs, les Slaves et les Roma. S’en sont ensuivis des exemples contemporains de « nettoyage ethnique » et de génocide.
Les récits bibliques du déluge et de la destruction de Sodome et Gomorrhe peuvent être interprétés comme des précurseurs classiques de l’actuel courant de collapsologie, depuis les tremblements de terre jusqu’aux tsunamis, en passant par les tornades.
L’abattage malthusien de la population pronostiquait une trinité diabolique de guerre, famine et maladie.
Le président Emmanuel Macron a déclaré que « nous sommes en guerre » contre le plus grand niveleur, le coronavirus. Il appelait les vingt-sept États membre de l’Union européenne à collaborer pour chercher des contre-mesures et un antidote.
Et l’UE ferme les frontières intérieures de l’espace Schengen.
Certains allèguent que les armes se sont tues dans le monde alors que ce dernier affronte une récession économique généralisée. Pourtant l’Iran, frappée de plein fouet par le virus, persiste à encourager ses acolytes – le Hezbollah et le Hamas – à la suivre dans son parcours belligérant.
Les guerres ont été suivies d’épidémies : après la Première Guerre mondiale, des millions de victimes ont péri de la grippe espagnole ; après la Seconde Guerre mondiale, l’humanité a fait face à la poliomyélite, au choléra, à la maladie de la vache folle, à Ébola, au sida et au Sars, entre autres…
Or, le coronavirus est, quantitativement et qualitativement, une menace pour des millions d’individus. Il frappe sans distinction la planète tout entière.
Alors que nous approchons du Seder, nous pouvons ajouter cette malédiction aux dix plaies lancées contre le Pharaon : le coronavirus serait la onzième plaie – déterminée à anéantir l’humanité.
Jusqu’à ce qu’on lui trouve un antidote, nous resterons dans une quarantaine à durée indéterminée. Et nous nous rappellerons les paroles de ce gospel : « Run to the Lord, Lord won’t you hide me ? » (« Tourne-toi vers le Seigneur. Seigneur, ne vas-tu pas me cacher ?)… Car on ne peut fuir nulle part ailleurs !
Shimon Samuels est le directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal.
Graciela Vaserman-Samuels est consultante auprès de l’Unesco.