Éditorial de Shimon Samuels publié en anglais dans The Jerusalem Post
le 16 juillet 2019
https://www.jpost.com/Opinion/The-86th-victim-595882
Une conférence internationale sur la lutte contre le terrorisme doit s’ouvrir à Buenos Aires
Pour le 25e anniversaire de l’attentat contre le centre juif Amia, perpétré à Buenos Aires, en Argentine, le président Mauricio Macri organise une conférence internationale sur la lutte contre le terrorisme.
Cette conférence rendra hommage aux 85 personnes assassinées et aux plus de 300 blessés de ce 18 juillet 1994. Mais par-dessus les débats planera le spectre de la 86e victime, un de mes amis intimes, le procureur Alberto Nisman, tué par balle au petit matin du 18 janvier 2015.
Ce matin-là, Alberto Nisman devait présenter les conclusions de sa longue enquête sur l’atrocité d’Amia devant le Congrès argentin.
Quelques semaines auparavant, il m’avait rejoint, avec mon épouse native d’Argentine et deux amis, à Londres. Il nous y avait confié certaines de ses révélations : les nids du Hezbollah dans neuf pays d’Amérique du Sud et des Caraïbes ; plus de 90 cellules dormantes en Argentine ; la livraison d’armes iraniennes au Venezuela et à ses alliés du bloc ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques) ; les lance-missiles Fajar-3 sur l’île vénézuélienne de Santa Margarita dirigés sur Tampa, en Floride ; le trafic de drogue et le blanchiment d’argent pratiqués par le Hezbollah dans la zone de non-droit de la Triple Frontière, entre l’Argentine, le Brésil et le Paraguay ; etc.
L’attentat d’Amia avait été précédé en 1992 par celui de l’ambassade d’Israël à Buenos Aires, qui avait fait 29 morts et plus de 100 blessés. L’ombre de l’Iran et du Hezbollah plane largement sur ces deux atrocités.
Ces 25 dernières années, le monde a connu partout des attaques terroristes. L’importance d’Amia demeure pour l’intention antisémite qui sous-tend l’attentat et pour les six mandats d’arrêt internationaux dits « notices rouges » délivrés par Interpol, dont cinq sont toujours actifs. Ces cinq mandats d’arrêt concernent des Iraniens. On sait que trois d’entre eux sont proches du guide suprême Ali Khamenei.
Le Centre Simon Wiesenthal en a identifié un sur les photos d’une conférence qui se tenait à La Mecque. Il a demandé son arrestation à Interpol en Arabie saoudite. L’individu en question s’est envolé pour Téhéran le lendemain matin.
Un autre, alors ministre de la Défense, a été vu dans les médias. Il se trouvait en Bolivie – État qui fait partie du bloc ALBA – et était en route pour le Chili. Là encore, Interpol à Santiago a été alerté, mais lui aussi est rentré à Téhéran.
L’année dernière, nous avons organisé avec la Henry Jackson Society et l’ambassade d’Argentine au Royaume-Uni une audience au Parlement britannique pour commémorer le 24e anniversaire de l’attentat contre Amia. Le Royaume-Uni, qui exerce la juridiction universelle, avait placé le général Pinochet, ancien dictateur du Chili, en détention. Notre audience, à laquelle participaient un rescapé d’Amia, un juriste argentin, un conseiller de la reine d’Angleterre et un expert du terrorisme commandité par l’Iran contre les troupes britanniques, avait pour objectif d’éclaircir une situation où l’un des cinq individus recherchés devait être arrêté avec une demande immédiate d’extradition vers Buenos Aires pour y être jugé. Et ce, dès qu’il aurait posé le pied sur le sol britannique.
Au siège d’Interpol de Lyon, un journaliste m’a demandé de commenter cette affaire, après qu’eut eu lieu un vote positif sur ces notices rouges. « Les complices de meurtres de masse ne peuvent désormais plus accéder librement à leurs comptes bancaires suisses, ni prendre un bon repas à Paris, ni voir une comédie musicale à New York… Ils peuvent seulement rendre visite à leurs familles. »
Notre mentor, Simon Wiesenthal, était un très bon client des notices rouges : il s’en servait pour arrêter les criminels de guerre nazis.
L’ironie du sort veut que les terroristes djihadistes suivent la trace des nazis – ils se terrent dans les mêmes cachettes d’Amérique du Sud.
La 86e victime de l’attentat d’Amia, Alberto Nisman, a marché sur les pas de Simon Wiesenthal. Il l’a payé cher. Et son assassinat n’est toujours pas élucidé.
Le gouvernement argentin précédent avait tenté d’étouffer l’affaire. Il était prêt à passer outre la justice par un protocole d’entente avec Téhéran pour oublier Amia.
Le gouvernement actuel recherche la transparence pour permettre aux victimes de tourner la page.
Président Macri, nous vous saluons, alors que nous pleurons la 86e victime. Puissent vos invités du contre-terrorisme convaincre leurs gouvernements de bannir le Hezbollah et de purger les Amériques de sa présence diabolique.
L’auteur de ces lignes est le directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal.