Éditorial de Shimon Samuels publié en anglais dans The Jerusalem Post
le 29 mai 2019
https://www.jpost.com/Opinion/New-European-Parliament-challenges-Israel-and-the-Jews-591062
Les députés européens des partis de la gauche radicale invitent des conférenciers tels le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et vont jusqu’à applaudir des porte-paroles de la terreur.
Un dîner de travail lors d’un sommet des dirigeants de l’Union européenne, après les élections du Parlement européen (photo Reuters).
En mai 2004, le président de la République de Pologne d’alors, Aleksander Kwaśniewski, donnait à Varsovie une grande fête pour célébrer l’entrée de huit pays d’Europe de l’Est dans l’Union européenne (UE) – ce qu’on appelle « le processus d’élargissement ».
Il avait invité huit intervenants à réfléchir sur des défis majeurs, dont un dirigeant du Congrès du monde islamique sur « l’islamophobie » et moi-même sur « l’antisémitisme ».
J’étais euphorique. Les Juifs s’étaient toujours épanouis dans une identité supranationale. En fait, les seuls véritables Yougoslaves, les seuls Tchécoslovaques authentiques, c’étaient les Juifs.
Nombreux sont ceux qui percevaient, à tort, « les Soviétiques » comme une communauté plus protectrice que celle « des Juifs ». « Britannique » était plus simple qu’« Anglais ». Ce jour-là, à Varsovie, j’ai eu l’impression que tous les Européens partageraient dorénavant la condition des Juifs, puisque les frontières étaient abolies et que la plupart des pays adoptaient une monnaie commune, l’euro.
Comme j’avais tort !
Alors que l’antisémitisme flambait, passant de bavardages de cocktail aux cocktails Molotov, et que la terreur antisémite se propageait sur tout le continent occidental, la communauté juive mondiale commença à se méfier de l’UE unie – un sujet de préoccupation corroboré par ses représentantes pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton et celle qui lui a succédé, Federica Mogherini.
Les députés européens des partis de la gauche radicale invitent des conférenciers tels que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et vont jusqu’à applaudir des porte-paroles de la terreur.
D’autre part, des partis populistes/nationalistes comme le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni – maintenant renommé « le parti du Brexit » – et des partis d’extrême droite, spécialement ceux au gouvernement en Europe de l’Est, ont tendance à prendre des positions pro-israéliennes.
Au niveau national, le Premier ministre Netanyahu a connu un franc succès en établissant pour Israël des relations privilégiées avec des sous-ensembles de l’UE, tels le groupe de Visegrad – la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie –, les pays baltes ainsi que la Grèce et Chypre, en raison, entre autres, du commerce high-tech, mais aussi pour des intérêts de stratégie commune, comme dans ce dernier exemple contre la Turquie.
Israël est perçu par ces pays comme une clé d’accès aux États-Unis et à son président. Pour les Européens de l’Est anti-russes, Israël est aussi considéré, si cela s’avère nécessaire, comme un chemin de traverse vers le Kremlin. L’écran se brouille parfois, comme dans la crise actuelle avec la Pologne (dont le parti au pouvoir siège au Parlement européen) à propos des investigations sur la complicité de l’État pendant la guerre dans l’extermination des Juifs.
Paradoxalement, des régimes populistes qui ont le vent en poupe, comme l’Italie ou la Hongrie, et certains partis populistes, en Allemagne, en France, en Autriche, partagent des intérêts avec Israël.
Certains, repliés sur leur désir d’homogénéité, ressentent de l’antipathie pour l’UE, car ils aspirent à retrouver leur identité nationale « perdue » face à une génération élevée dans la version Wikipédia de l’Histoire. (?)
Alors que les derniers considèrent « l’État juif » comme une anomalie fossile, les populistes admirent Israël en tant qu’ennemi de leur propre ennemi islamiste.
En même temps, ils articulent leur Histoire en réhabilitant les « héros » anti-bolchéviques de la Deuxième Guerre mondiale, qui se trouvent être des collaborateurs nazis impliqués dans l’extermination des Juifs.
Ces élections européennes ont été révolutionnaires et générationnelles, comme le démontrent les baby-boomers ligués contre les partis centristes et les Verts par la génération X, qui aiment les causes radicales. Tournés vers l’avenir, ils ont tendance à se détourner de l’Histoire, ils sont même parfois analphabètes et pris dans le filet de « l’intersectionnalité » : Ils mettent par exemple dans le même panier toutes les « victimes » de guerres, de catastrophes naturelles ou même de maladies. Que ce soient des peuples autochtones ou des Palestiniens, ils sont tous « frères ».
Les Juifs, spécialement sous le couvert de l’appellation « les sionistes » – assimilés au capitalisme, aux banques, aux médias, au colonialisme, à l’apartheid, etc. –, sont forcément leur ennemi.
Il y a un élément perturbateur dans une UE attaquée de l’intérieur par des chevaux de Troie – depuis le Rassemblement national français jusqu’au parti britannique du Brexit, en passant par les populistes d’Europe de l’Est.
Peut-être les députés européens seront-ils tellement occupés à réaffirmer leurs identités nationales et à repenser le projet européen que la question juive sera provisoirement mise en veille.
Hélas, le plus grand défi consiste à y croire !
L’auteur de ces lignes est le directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal.