Éditorial de Shimon Samuels publié en anglais dans The Jerusalem Post
le 17 février 2019
https://www.jpost.com/Opinion/France-mobilizes-against-antisemitism-580959
L’appel a été lancé auprès des responsables de partis et de municipalités des grandes villes de France, dont Lyon, Marseille et Nice.
Des personnes assistent à un rassemblement organisé par le CRIF en mémoire de Mireille Knoll, une rescapée de l’Holocauste âgée de 85 ans, poignardée et brûlée dans son appartement parisien. Son agresseur est suspecté d’avoir agi par antisémitisme. Marseille, le 28 mars 2018. Photo Jean-Paul Pélissier/Reuters.
Il y a près de cent vingt ans, le 20 août 1899, un groupe de dreyfusards organisait à Paris une manifestation contre l’antisémitisme.
Le 19 février 2019, la quasi-totalité des partis politiques français rejoindront un rassemblement contre l’antisémitisme, avec deux exceptions : l’extrême droite de Marine Le Pen et l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon.
Il aura fallu plusieurs années pour résoudre l’affaire du capitaine Alfred Dreyfus, injustement condamné et honteusement démis de ses fonctions dans l’armée française.
Aujourd’hui, depuis que le gouvernement a publié son rapport indiquant qu’en 2018, les actes antisémites accusaient une hausse de 74 %, il semble que l’antisémitisme soit devenu une nouvelle mode – l’endroit où il faut être. Ou n’est-ce qu’un simple feu de paille ? Mais la question la plus importante est de savoir quel traitement sera donné à « l’antisionisme » et à l’État d’Israël.
L’appel a été lancé auprès des responsables de partis et de municipalités des grandes villes de France, dont Lyon, Marseille et Nice.
Le fait que quatorze partis politiques nationaux se mobilisent pour protester, non pas contre un pot-pourri de victimologies de la haine dirigée à l’encontre de l’islamophobie, des réfugiés ou des gays, mais exclusivement contre l’antisémitisme, constitue une étape déterminante.
Le rassemblement principal se tiendra, bien entendu, à Paris, sur la légendaire place de la République, à 19 heures.
La polarisation gauche-droite a mis les Juifs de France dans une position difficile, tout comme la menace d’effondrement du bipartisme aux États-Unis ou le facteur Corbyn en Grande-Bretagne.
Les Français considèrent l’antisémitisme comme une violation des valeurs de la République, à commencer par « Liberté, égalité, fraternité ».
Ce serait en effet l’occasion pour réaffirmer ces valeurs lorsque nous intégrons des migrants ancrés dans un antisémitisme atavique.
L’absence même de l’extrême droite et de l’extrême gauche à ce rassemblement accentue un retour des centristes dans la panoplie politique.
Les graffitis de croix gammées recouvrant l’image de Simone Veil, ancienne ministre de la Santé et rescapée de l’Holocauste, ont dépassé toutes les bornes.
Il est tout aussi important de purger les Gilets jaunes qui manifestent chaque samedi contre le gouvernement des antisémites qui tentent de s’infiltrer dans leurs rassemblements.
D’ailleurs, certains Gilets jaunes ont d’ores et déjà annoncé leur participation à cette manifestation anti-antisémite. Ils ont surtout exprimé leur indignation face à la recrudescence du négationnisme.
L’un de leurs leaders, Christophe Chalençon, propose que les rassemblements du samedi aient pour thème principal les fléaux de la haine anti-juive – afin de combattre les théories du complot dans les réseaux sociaux, qui prétendent que les Juifs sont responsables de la pauvreté –, avant les autres questions de leur cahier des charges.
Philippe Val, l’ancien directeur de Charlie Hebdo – mon partenaire devant les tribunaux, car nous avons tous deux été victimes de poursuites en diffamation : lui pour ses caricatures de Mahomet, moi pour avoir identifié des liens terroristes –, a compilé une nouvelle collection d’essais.
Il y écrit : « L’antisémitisme n’est pas l’affaire des Juifs, c’est l’affaire de tous. Les Français, dont on a mesuré la maturité démocratique après chaque attentat islamiste, vivent un paradoxe tragique. Leur pays est devenu le théâtre d’un antisémitisme meurtrier. Cette terreur se répand, provoquant à la fois la condamnation populaire et un silence médiatique que la récente marche blanche a contribué à rompre. […]
« Pourquoi ce silence ? […] Parce qu’au vieil antisémitisme de l’extrême droite, s’ajoute l’antisémitisme d’une partie de la gauche radicale qui a trouvé dans l’antisionisme l’alibi pour transformer les bourreaux des Juifs en victimes de la société. Parce que la bassesse électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur au vote juif. »
Les rassemblements contre l’antisémitisme sont des indicateurs, mais auront-ils l’impact souhaité sur les campagnes électorales européennes de mai prochain ? Un nouveau Centre politique émergera-t-il en France, qui incitera le reste de l’Europe à exclure les candidats d’extrême droite et d’extrême gauche ?
Ou bien ces mobilisations philosémites disparaîtront-elles comme elles sont venues, ne laissant que des foules emplies de haine – jusqu’au prochain round post-électoral ?
L’auteur de cet article est le directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal.