« Leur pension mensuelle varie aujourd’hui entre 28 et 60 euros, alors que les Waffen SS volontaires touchaient 1 500 euros. »
« Madame la Chancelière, un peu moins de 150 travailleurs forcés des ghettos hollandais sont encore en vie. Ils disent qu’Hitler les a sauvagement tués. Aujourd’hui c’est l’Allemagne qui les tue à petit feu ! »
« La République fédérale d’Allemagne doit immédiatement racheter sa réputation… Tout délai supplémentaire sera interprété comme un abandon de la responsabilité historique et morale de l’État – un message choquant pour les générations futures. »
Paris, le 20 août 2018
Dans une lettre adressée à la chancelière d’Allemagne, Angela Merkel, le directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal, Shimon Samuels, attirait son attention sur « la situation scandaleuse des pensions versées aux enfants travailleurs forcés des ghettos... Comme ils disparaissent les uns après les autres, ils exigent que justice soit faite au plus vite… Ils sont actuellement sujets d’obstacles bureaucratiques iniques, le gouvernement laisse cruellement traîner les procédures ».
La lettre se poursuivait en ces termes : « Pour cette analyse, veuillez noter une importante publication officielle : ‘‘Anerkennung der Arbeit im Ghetto’’, parue le 11 juillet 2014 sur le site du gouvernement allemand :
https://www.bundesregierung.de/Content/DE/Artikel/2014/04/2014-04-08- ghettorenten
Voir aussi le lien en bas de page vers l’article en allemand : « Federal Government webpage article »
« Ceci met en évidence comment, en avril 2014, le Parlement allemand avait enfin décidé, à l’unanimité, de verser une pension ‘‘décente’’ (‘‘angemessene Rente’’) à ‘‘tous’’ les travailleurs des ghettos de l’Holocauste… » :
https://www.auswaertiges-amt.de/en/aussenpolitik/themen/internatrecht/entschaedigung-node
Voir aussi le lien en bas de page vers l’article en anglais : « Federal Foreign Office webpage article »
« En outre, je vous prie de vous remémorer l’esprit de votre déclaration publique en tant que chancelière, au cours de votre visite en Israël, en avril 2007 : ‘‘Ce n’est qu’en acceptant sa responsabilité permanente pour cette période si effroyable et pour les crimes les plus cruels de son histoire que mon pays, que l’Allemagne, pourra façonner son avenir. Il n’y a aucune alternative possible.’’ »
M. Samuels s’est dit choqué qu’« en réalité, ces survivants nés après 1934 n’ont pas été jugés dignes d’une pension, et que les bénéficiaires ‘‘chanceux’’ ont dû se contenter d’un paiement mensuel variant entre 11 et 60 euros, salaire évalué à sa valeur actuelle. La plupart des versements n’ont débuté qu’en 2013, bien qu’on leur ait promis – promesse non tenue – qu’ils seraient rétroactifs à partir de 1997 ».
Dans le cas des demandeurs hollandais, un paiement « de compensation » unique a été versé de façon sélective, quelque vingt ans après la guerre. Il équivalait à l’époque à 1 142 euros. Ce montant était présenté comme la seule indemnité qui couvrait la perte de parents et de propriété, sans considération pour les droits d’autres parents ni pour d’autres pertes matérielles. Ces demandes ont été traitées de manière aléatoire et la plupart ont été refusées.
M. Samuels rappelait comment, « en 1998, le Centre Simon Wiesenthal avait été appelé à Bonn par le ministre fédéral du Travail de l’époque, Norbert Blum, pour la raison suivante : une pension était accordée à toute personne ayant servi dans la Wehrmacht sous Hitler – même aux veuves de guerre… et, après la réunification de l’Allemagne, des milliers de demandes ont afflué, non seulement depuis l’ancienne Allemagne de l’Est, mais aussi en provenance de ceux qui avaient collaboré avec les nazis dans les anciens pays communistes d’Europe de l’Est, en particulier de Slovaquie, Biélorussie, d’Ukraine, et même de fugitifs en Amérique latine, etc. Il nous a été demandé d’identifier les unités militaires responsables de crimes de guerre afin d’épargner à la République fédérale un tsunami de pensions ».
Il poursuivait en ces termes : « Nous avons pris acte que, pendant plus de cinquante ans, le ministère de la Justice avait collaboré avec Simon Wiesenthal, alors que là – à Bonn, alors capitale de l’Allemagne de l’Ouest, et juste à quelques pas du ministère du Travail –, les familles d’innombrables soldats de la Wehrmacht recevaient ‘‘une pension digne’’. »
Un plaignant hollandais a demandé au Centre de contribuer à la résolution de ce traitement discriminatoire, infligé en particulier aux enfants hollandais des ghettos, rescapés des travaux forcés. Ce plaignant les appelle « un groupe oublié de victimes de l’Holocauste, qui méritent mieux que les règles strictes et les règlements imposés par la loi allemande. Ce n’est pas juste ! », s’insurgeait-il.
Cette personne avait demandé réparation au milieu des années 1980. Elle a perçu sa pension en 2013 : 11,96 euros par mois. A la suite de ses réclamations, sa pension a progressivement augmenté jusqu’à atteindre 28,81 euros.
M. Samuels soulignait que, « suite à l’intervention de notre bureau, l’autorité fiscale hollandaise nous a assurés qu’elle n’imposerait plus ces soi-disant ‘‘pensions’’… Mais par contre, depuis la fin de la guerre, la nouvelle Allemagne fédérale a versé jusqu’à 1 500 euros mensuels aux 25 000 anciens volontaires hollandais engagés dans les Waffen SS, somme exonérée d’impôts ».
La lettre faisait valoir qu’« aujourd’hui aux Pays-Bas, moins de 150 travailleurs forcés des ghettos sont encore en vie. Le même taux de survivants s’applique dans toutes les communautés ».
Le Centre priait instamment la République fédérale d’Allemagne « de racheter immédiatement, sans préjudice, sa réputation… Tout délai supplémentaire sera interprété comme un abandon de la responsabilité historique et morale de l’État – un message choquant pour les générations futures ».
Illustrant un profil de victimes de l’injustice des pensions allemandes, ce plaignant avait 5 ans lorsqu’il vivait et travaillait dans le ghetto d’Amsterdam. Il a été forcé de travailler 12 heures par jour, avant d’être déporté à l’âge de 7 ans dans un camp de concentration, où il avait pour ordre de transporter les cadavres vers des fosses communes.
Le « J’accuse ! » de ce plaignant retentit haut et clair : « Hitler nous a sauvagement tués. Aujourd’hui c’est l’Allemagne qui nous tue à petit feu ! »
« Alors que le nombre de rescapés diminue comme peau de chagrin, il est urgent de leur rendre justice. Si ce n’est pas maintenant, alors quand ? » concluait M. Samuels.
Federal_Government_webpage_article.pdf
Federal_Foreign_Office_webpage_article.pdf