Éditorial de Shimon Samuels publié en anglais dans The Times of Israel
le10 octobre 2021
https://blogs.timesofisrael.com/comments-on-david-colliers-outstanding-report-on-antisemitism-in-ireland/
L’excellent rapport du journaliste David Collier, contenant 202 pages, sur l’antisémitisme contemporain en Irlande, est bouleversant... bien que l’histoire de la communauté juive irlandaise ait parfois brillé dans les ténèbres.
À la fin du XIXe siècle, alors que les Irlandais frappés d’une extrême pauvreté émigraient aux États-Unis, ils ont été remplacés par des réfugiés juifs démunis fuyant l’Empire russe tsariste. Les syndicats irlandais en ont éprouvé du ressentiment, et un boycott-pogrom est survenu à Limerick en 1904. Mais, finalement, les familles juives ont été bien accueillies par les catholiques irlandais. Pendant l’État libre d’Irlande, de nombreuses personnalités juives se sont identifiées à l’IRA et ont même rejoint ses rangs.
Bien que, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Irlande ait accepté principalement les Juifs convertis au catholicisme, elle a également recueilli un petit nombre d’enfants juifs fuyant l’Allemagne nazie lors de l’opération Kindertransport.
Tous les prétextes étaient alors bons pour contrecarrer le Royaume-Uni, et l’autodétermination juive en « Palestine » en était un. Une vignette représente deux soldats irlandais qui ont volé des chars dans une base du Mandat britannique pour les livrer à la Haganah ! Rappelons aussi que la liste d’extermination du protocole nazi établi à la conférence de Wannsee comprenait « les quatre mille Juifs d’Irlande », qui ont été sauvés grâce à la neutralité irlandaise.
Nous nous souvenons de la visite passionnante de linguistes irlandais, venus en Israël pour étudier la renaissance d’une langue de religion devenue l’hébreu parlé moderne, un exemple à suivre pour le gaélique irlandais.
Nous avons travaillé avec les regrettés frères Siev : avec Stanley, avocat, sur la restitution d’une œuvre d’art, et avec Raphaël, diplomate et conservateur du Musée juif de Dublin. En 2008, sur les conseils de ce dernier, nous avons envoyé un rapport de 165 pages sur le Hunt Museum de Limerick au Premier ministre d’Irlande, Brian Cowan, et une lettre connexe à la présidente de l’époque, Mary McAleese.
John Hunt et sa femme Gertrude, précédemment mariée à un officier SS, auraient échappé au MI5 britannique (le service de renseignement responsable de la sécurité intérieure) avec de faux papiers irlandais. L’amitié de John Hunt avec Adolf Mahr, directeur du Musée national de Dublin et représentant d’Hitler en Irlande, a soulevé la question des œuvres d’art pillées et exposées au Hunt Museum.
La réponse des médias à notre étude a engendré une vague de menaces antisémites à notre encontre, les premières que nous ayons jamais connues en Irlande. À l’époque des « Troubles » (le conflit nord-irlandais) en Ulster, la barricade érigée à Belfast affichait des graffitis pro-israéliens du côté protestant et pro-palestiniens du côté catholique.
David Collier révèle que propagande antisioniste va de pair avec antisémitisme. Il met l’accent sur sa nature pyramidale et sa tendance à se propager à travers les réseaux sociaux.
Nous en avons fait l’expérience avec la présentation de notre exposition coparrainée par l’Unesco, « Le Peuple, le Livre, la Terre : 3 500 ans de relations entre le peuple juif et la Terre sainte » au Conseil de l’Europe, qui compte quarante-sept États membres. Le refus de l’Irlande était assourdissant. Idem à l’Union européenne – où les votes se font à l’unanimité : c’est l’Irlande qui bloque une déclaration définissant le Hezbollah comme une organisation terroriste.
L’accusation qui pèse sur l’Irlande, l’île d’Émeraude, selon laquelle c’est aujourd’hui le pays d’Europe le plus hostile à Israël et aux Juifs, est inacceptable, mais cela nous lance un défi. Pour que nous retrouvions le Dublin de Leopold Bloom, héros du roman Ulysse de James Joyce de 1922, il nous faut convaincre des alliés de mener campagne à cette fin.
Shimon Samuels est le directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal. Il a occupé les fonctions de directeur adjoint de l’Institut Leonard Davis sur les relations internationales de l’Université hébraïque de Jérusalem, directeur européen de la Ligue antidiffamation et directeur israélien de l’American Jewish Committee. Il est né au Royaume-Uni où il a fait ses études, ainsi qu’en Israël, aux États-Unis et au Japon.