Éditorial de Shimon Samuels publié en anglais dans The Algemeiner
le 23 juillet 2018
https://www.algemeiner.com/2018/07/23/pursuing-justice-for-the-amia-bombing-victims-24-years-on/
À Buenos Aires, affichage des photos et noms des victimes
de l’attentat de 1994 au centre Amia, qui a fait 85 morts
et des centaines de blessés. Photo Reuters/Marcos Brindicci.
En 1967, au lendemain de la guerre des Six-Jours, j’étais jeune marié et je suis allé avec ma femme, de nationalité argentine, rencontrer sa famille à Buenos Aires. C’était le début d’une relation intime qui me lie avec ce pays et sa communauté juive.
Au cours d’un voyage d’affaires, à la fin des années 1970, alors que l’Argentine vivait sous le joug de la dictature militaire, j’avais rendu visite à l’éditeur et journaliste Jacobo Timerman dans sa cellule de prison pour discuter de son éventuelle remise en liberté et de son transfert en Israël. Ceci allait entraîner des relations difficiles avec son fils Héctor, destiné à devenir ministre des Affaires étrangères, et perturber le rôle qu’il serait amené à jouer dans l’affaire Amia.
En février 1992, j’étais invité par Carlos Menem, alors président de la Nation argentine, à examiner les « dossiers nazis » des criminels de guerre qui avaient fui en Argentine. Ces dossiers venaient d’être ouverts.
Un mois plus tard survenait l’attentat contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires, qui avait fait 29 morts et 242 blessés. L’attentat avait été revendiqué par le Djihad islamique, lié à l’Iran. Les enquêteurs argentins pensaient qu’il avait été fomenté par le Hezbollah dans la région de la triple frontière entre l’Argentine, le Paraguay et le Brésil. Un nouvel attentat avait succédé à celui-ci en juillet 1994 contre le centre juif Amia, laissant 85 morts et plus de 300 blessés.
Le regretté Simon Wiesenthal avait collaboré avec Interpol dans le cadre de plusieurs de ses enquêtes. Il savourait l’ironie dans le fait que le prédécesseur d’Interpol, le CIPC (Centre international de prévention de la criminalité), avait été présidé pendant la Deuxième Guerre par un nazi de haut rang, Reinhard Heydrich.
Il était donc naturel que le Centre Wiesenthal apporte son appui à Interpol pour émettre des mandats d’arrêt, appelés « notices rouges », contre un Libanais et cinq Iraniens de haut rang impliqués dans l’atrocité du centre Amia.
La plupart des accusés recherchés par Interpol ont gravi les échelons depuis 1994. Entre autres :
- de hauts responsables iraniens, tel Mohsen Rezaee (alors commandant en chef du Corps des gardiens de la révolution islamique) et l’ayatollah Ali Fallahian (alors ministre du Renseignement), qui se sont rencontrés et sont soupçonnés d’avoir planifié l’attentat ;
- des diplomates qui ont fui Buenos Aires quelques jours avant l’attentat, notamment Ahmad Reza Asghari (alors chef de réseaux clandestins en Argentine) et l’ayatollah Mohsen Rabbani (alors attaché culturel à l’ambassade d’Iran) ;
- l’ancien ministre de la Défense Ahmad Vahidi (alors commandant de la Brigade des opérations externes al-Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique) et le terroriste libanais international Imad Mughniyah (fondateur du Djihad islamique et chef numéro deux du Hezbollah), tué à Damas en 2008 par une bombe posée dans sa voiture.
Outre les mandats d’Interpol, plusieurs pays – dont la Belgique, Israël, l’Espagne et le Royaume-Uni – invoquent la juridiction universelle à l’égard de personnes accusées, indépendamment de leur nationalité, résidence ou lieu où le crime a été commis. Le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Angleterre et l’Iran constitue à cet égard un test intéressant.
En partenariat avec la Henry Jackson Society, le Centre Wiesenthal a marqué le 24e anniversaire de l’attentat perpétré contre le centre juif Amia du 18 juillet*. Une table ronde a été organisée à cette occasion au Parlement britannique, à laquelle j’ai assisté. Elle était dédiée à la mémoire d’une « 86e victime », le procureur Alberto Nisman, assassiné en janvier 2015, le matin où il devait présenter au Comité du Congrès argentin un rapport qui accusait la présidente de l’époque, Cristina Fernández de Kirchner, le ministre des Affaires étrangères Timerman et d’autres hauts fonctionnaires, de complot avec l’Iran pour couvrir le rôle de ce pays dans l’attentat contre Amia.
Notre session était présidée par Lord Trimble, prix Nobel de la paix pour ses efforts en vue de « l’accord du Vendredi saint » en Irlande du Nord. Des messages ont été lus par l’actuel président d’Amia, Agustin Zbar, et par le secrétaire général de l’Organisation des États américains, Luis Almagro. Renato Carlos Sersale di Cerisano, ambassadeur d’Argentine au Royaume-Uni, a partagé un message de son ministre des Affaires étrangères, Jorge Faurie.
Anita Weinstein, responsable au centre Amia et rescapée de l’attentat, a présenté un témoignage émouvant : « L’explosion m’a laissée sur le rebord d’une corniche surplombant le carnage… J’étais devenue la cible de la haine, moi, fille de rescapés de l’Holocauste… Pourtant, face à tant de haine, de violence et de meurtre, j’ai choisi la vie ! »
Tom Wilson, spécialiste du terrorisme, a signalé que « des soldats britanniques ont été tués, aussi bien en Afghanistan qu’en Irak, avec des armes fournies par l’Iran… De hauts dirigeants d’Al-Qaïda réfugiés en Iran ont guidé des loups solitaires agissant au Royaume-Uni avec de petits moyens, par des attaques au couteau et à la voiture-bélier ».
Ariel Gelblung, avocat et représentant du Centre Wiesenthal pour l’Amérique latine, en accord avec Michael Caplan QC, spécialiste britannique en matière d’extradition, a affirmé que « si l’un des suspects iraniens se posait sur le sol britannique, eu égard aux ‘‘notices rouges’’ d’Interpol, il serait arrêté et incarcéré. La police en informerait alors l’Argentine, à la suite de quoi Buenos Aires émettrait un mandat d’arrêt et une procédure d’extradition contre lui ».
Pour conclure, j’ai fait référence au message du ministre argentin des Affaires étrangères promettant d’agir immédiatement. Je suis convaincu que notre réunion à la Chambre des Lords a constitué une étape importante dans la quête de justice des familles des victimes d’Amia et des rescapés. Si les auteurs de ce crime étaient appréhendés au Royaume-Uni, un mandat d’arrêt émis par un juge argentin apporterait à ceux concernés l’espoir de faire leur deuil. Cela servirait de catalyseur pour que ces criminels soient extradés.
* Voir le communiqué de presse paru le 18 juillet dernier : « Les suspects iraniens de l’attentat contre le centre Amia, recherchés par Interpol, seraient arrêtés s’ils posaient le pied sur le sol britannique et extradés vers l’Argentine. »
http://www.wiesenthal-europe.com/fr/communiques-de-presse-2018/429-les-suspects-iraniens-de-l-attentat-contre-le-centre-amia-recherches-par-interpol-seraient-arretes-s-ils-posaient-le-pied-sur-le-sol-britannique-et-extrades-vers-l-argentine