Au cours d’une année remplie de propos et d’agressions antisémites, le Centre Simon Wiesenthal a classé ses dix incidents antisémites les plus importants en 2022.
Article publié en anglais par l’équipe du Jerusalem Post
https://www.jpost.com/diaspora/antisemitism/article-726211
le 30 décembre 2022
Le Centre Simon Wiesenthal (CSW) a publié jeudi sa liste des dix incidents antisémites les plus graves survenus en 2022. Cette organisation juive de défense des droits de l’homme a estimé que cette année a connu « une augmentation considérable de la haine des Juifs qui a infecté la culture dominante, les universitaires et les médias à travers le monde ».
Le rabbin Abraham Cooper, vice-doyen et directeur de l’action sociale globale du CSW, a déclaré que « les politiciens expriment des paroles de réconfort aux victimes juives, mais qu’ils n’ont pas pris de mesures efficaces pour freiner les agressions, tandis que les diplomates de l’ONU et l’élite culturelle et universitaire légitiment souvent la haine de l’État juif ».
Alors, quels sont les lauréats ?
10. Telegram
Telegram, avec plus d’un demi-milliard d’utilisateurs, est l’une des applications de messagerie les plus populaires au monde. Connue pour sa messagerie cryptée et le manque de modération de ses contenus, Telegram est devenue une plaque tournante des groupes et mouvements antisémites.
Les chercheurs du CSW ont identifié plus de quatre cents groupes et chaînes Telegram, y compris le manifeste raciste et antisémite rédigé par le terroriste qui a assassiné cinquante et une personnes en Nouvelle-Zélande en 2019.
Selon le CSW, les chaînes Telegram promeuvent effrontément des tropes antisémites, tels que Les Protocoles des Sages de Sion, ainsi que des images stéréotypées de Juifs au nez crochu, avec leur lot d’exhortations à les assassiner. Les groupes néo-nazis et suprémacistes blancs s’affichent ouvertement sur cette plateforme, partageant leur propagande pour recruter de nouveaux sympathisants dans leurs mouvements.
En outre, les plaintes émises par le CSW auprès des responsables de Telegram concernant leur contenu antisémite sont tombées dans l’oreille d’un sourd, déclarait le Centre.
9. Le mouvement des Hébreux noirs israélites
Le groupe extrémiste des Black Hebrew Israelites est actif depuis le début du XXe siècle et il a pris de l’importance dans les années 1980. Le rappeur Kanye West et le joueur de basket des Brooklyn Nets Kyrie Irving ont lancé ce groupe marginal sous les projecteurs à la fin de 2022.
West, le rappeur litigieux, a été à la tête de nombreuses controverses antisémites, comme lorsqu’il a tweeté qu’il irait « death con 3 on Jewish people » (« niveau de mort 3 pour le peuple juif »)* – ce qui a conduit à sa suspension de la plateforme de réseaux sociaux Twitter. Il a aussi prétendu que les Juifs étaient des imposteurs qui revendiquaient la position des vrais Juifs.
La controverse d’Irving a surgi lorsqu’il a publié, le 27 octobre dernier, un lien Internet vers un film antisémite. Après avoir présenté des excuses que le commissaire de la National Basket Association Adam Silver et le propriétaire des Brooklyn Nets Joe Tsai ont jugées inacceptables, il a été suspendu de plusieurs matches.
Ces deux controverses ont pour fondement l’affirmation que c’est le Black Hebrew Israelite Movement qui est le véritable peuple juif – le « peuple élu » de la Bible –, tandis que les Juifs d’aujourd’hui sont des « imposteurs » qui ont usurpé l’identité des Juifs noirs « légitimes » – un principe fondamental de l’idéologie israélite hébraïque noire.
(*) Référence à « Defcon 3 », le plus haut niveau d’alerte de l’armée américaine.
8. Documenta 15 - exposition d’art financée par le gouvernement allemand présentant des tropes antisémites
Documenta, une exposition d’art prestigieuse qui a lieu en Allemagne tous les cinq ans, a été impliquée dans une controverse antisémite après que des caricatures laides et pernicieuses de Juifs ont fait leur apparition dans ses galeries d’exposition. Dans l’un des espaces, un soldat israélien avec une tête de cochon et portant une étoile de David sur son écharpe est exposé. On y voit également un Juif avec des peot (papillotes), un chapeau avec des symboles SS et un cigare.
La directrice de ce salon artistique, Sabine Schormann, a démissionné à la suite du scandale. « Je tiens à souligner une fois de plus que toutes les personnes impliquées étaient et sont profondément désolées d’avoir franchi les limites et causé un préjudice moral. Nous présentons également explicitement nos excuses pour n’avoir pas décelé les représentations antisémites avant l’installation de l’œuvre », a déclaré Sabine Schormann dans un communiqué publié en juin.
7. L’antisémitisme sur les campus universitaires
Les cas d’antisémitisme sur les campus universitaires américains ont augmenté au cours de ces dernières années – en particulier avec le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions), qui continue de s’enraciner dans les universités du pays.
En juillet dernier, l’université de la ville de New York (City University of New York) a été poursuivie en justice par l’American Center for Law and Justice pour avoir méconnu « un cas flagrant d’activité antisémite ».
Au nombre des incidents antisémites détaillés au procès : des clous trouvés dans les pneus de la voiture d’un professeur juif, des étudiants utilisant les heures de cours pour accuser Israël de « nettoyage ethnique » et des croix gammées gravées sur le bureau d’une enseignante juive et son clavier trempé dans l’urine.
Ailleurs sur la côte Est, le professeur Noura Erakat a donné une conférence à l’université de l’Illinois. Elle y apportait son soutien à une campagne armée visant à détruire l’État d’Israël. Cette conférence était parrainée par le Bureau de la diversité, de l’équité et de l’inclusion de l’université.
Pendant ce temps, sur la côte Ouest du pays, des groupes d’étudiants de l’université de Berkeley s’engageaient solennellement à « ne jamais inviter un orateur qui soutient le sionisme ou l’État d’Israël ». Ceci dans un amendement à leurs statuts déposé en octobre, affirmant que cette décision était nécessaire pour « la sécurité et le bien-être des étudiants palestiniens sur le campus ».
6. Agressions contre des Juifs dans les grandes villes du monde
À New York, les agressions contre des Juifs orthodoxes ont grimpé en flèche. Elles n’ont jamais atteint un si haut niveau depuis des décennies. C’est surtout dans les quartiers juifs de Brooklyn que ces agressions ont été perpétrées, là où résident plus d’un million de Juifs.
63 % des crimes haineux fondés sur la religion ont été commis contre des Juifs – qui ne représentent que quelque 2,4 % de la population américaine. Ce problème est également devenu critique en dehors des États-Unis.
Dans la région de Stamford Hill, en Angleterre, Abdullah Qureshi, 30 ans, a agressé trois personnes en deux heures en novembre dernier, dans le plus marquant des nombreux incidents antisémites qui ont eu lieu au Royaume-Uni en 2022.
Ailleurs en Europe, un individu germano-iranien soupçonné d’avoir allumé un incendie criminel dans une synagogue de la ville de Bochum, en Allemagne, le 18 novembre, a été arrêté. Auparavant, en septembre, il y a eu deux attaques antisémites dans des stations de métro de Berlin, l’une visant un rabbin et son fils et une autre un jeune homme.
5. Incident à la congrégation Beth Israël
Au début de 2022, un homme armé a pris quatre Juifs en otage à la congrégation Beth Israël, dans une petite synagogue de Colleyville, au Texas. Le terroriste, un étranger, aurait parcouru des milliers de kilomètres pour cibler la synagogue, selon le CSW.
Peu de temps après cet incident, un agent spécial du bureau local du FBI de Dallas a déclaré que la motivation du preneur d’otages n’était pas spécifiquement liée à la communauté juive –affirmation qui a semé le trouble et fâché de nombreux dirigeants de cette communauté.
Les victimes de cette agression étaient profondément en désaccord avec l’évaluation du FBI. Un des otages de la congrégation Beth Israël, Jeffrey Cohen, a déclaré à Chris Jansing, de MSNBC* : « Il ne s’agit pas d’un terroriste lambda. Il est entré dans la synagogue et il a dit : ‘‘Je veux tout simplement tuer tous les Juifs’’. Ce n’était pas lui. Il est venu chez nous parce qu’il croyait à ces histoires très dangereuses selon lesquelles les Juifs contrôlent le monde, le gouvernement, les banques et les médias. »
(*) MSNBC est une chaîne d'information en continu du câble diffusée aux États-Unis et au Canada.
4. Le Centre iranien d’études juives
Plus de mille essais antisémites ont été publiés par le Centre iranien d’études juives. Ils recèlent une haine historique des Juifs et des diatribes anti-israéliennes proférées « au nom de l’infâme régime Khamenei », déclarait le CSW.
Parmi les diatribes anti-israéliennes, les accusations de meurtre rituel allèguent que les racines du « meurtre d’enfants » par les sionistes en Palestine résident dans la Torah. Une autre déclaration affirme que des Juifs ont tué Mahomet et sa fille Fatima.
En outre, le Centre iranien d’études juives a publié plus de mille articles basés sur la théorie du complot, prétendant que les Juifs sont responsables de la pédophilie, du trafic de drogue, de la prostitution et de tous les problèmes en Iran.
3. L’Autorité palestinienne
Le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a déclaré qu’Israël avait commis « cinquante holocaustes » contre les Palestiniens, ce qui a mené les procureurs allemands à ouvrir une enquête sur une durée de quatre mois.
En août, le chancelier allemand Olaf Scholz a exprimé son indignation face à cette déclaration du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas – mais ce n’est que le lendemain qu’il a réagi.
« Les remarques scandaleuses du président palestinien Mahmoud Abbas me dégoûtent », a tweeté Scholz. « En particulier pour nous les Allemands, toute relativisation de la singularité de la Shoah est intolérable et inacceptable. Je condamne toute tentative de nier les crimes de l’Holocauste. »
2. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU
Le CSW a signalé que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU avait comparé Israël aux nazis, délégitimant ainsi Israël tout en légitimant le terrorisme palestinien.
L’avocate italienne Francesca Albanese a été nommée en début d’année rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens. Le CSW la décrit comme « une encyclopédie anti-israélienne ambulante » car elle a exprimé sa sympathie pour les groupes terroristes palestiniens.
1. Kanye West
Le rappeur anciennement connu sous le nom de Kanye West, Ye, arrive en tête du classement. « Il a alimenté les crimes de haine antisémites et normalisé le discours de haine anti-juif », a déclaré le fondateur du CSW, le rabbin Marvin Hier.
La rhétorique antisémite de Ye va également de pair avec les théories du complot anti-juives répandues sur les réseaux sociaux. Au nombre des plus populaires : les Juifs sont avides, ils contrôlent Hollywood et les médias, et ils « sont dans une conspiration d’esclavage et/ou d’exploitation délibérée des Noirs ».
West a également affirmé qu’un « médecin juif » avait essayé de le tuer avec des médicaments. Il a dit au complotiste Alex Jones qu’il « aimait Hitler » et il a passé une grande partie des mois d’octobre et de novembre à cracher de la haine anti-juive sur tous les podcasts, publications ou sites de médias sociaux qui voudraient bien l’entendre.
Ye a ensuite dîné avec l’ancien président américain Donald Trump et le suprémaciste blanc Nick Fuentes. L’ancien président américain a également tweeté en octobre qu’aucun président américain n’avait fait plus pour l’État juif que lui. Il a aussi déclaré que « les chrétiens évangéliques lui sont beaucoup plus reconnaissants que les personnes de confession juive, en particulier celles qui vivent aux États-Unis ».
En outre, Trump a également déclaré dans ce tweet que « les Juifs américains doivent se ressaisir et apprécier ce qu’ils ont en Israël ». Il a aussi omis de condamner complètement Fuentes ou d’expliquer pourquoi il rencontrait Ye, jusqu’à ce qu’il subisse des pressions de son vice-président, Mike Pence, selon le CSW.