Le 4 mai 2023
Dans une lettre adressée au PDG de Christie’s, Guillaume Cerutti, le directeur des Relations internationales du Centre Wiesenthal, Shimon Samuels, le priait instamment de retirer de la vente aux enchères du 3 au 15 mai à Genève les bijoux ayant appartenu à Heidi Horten, dont le mari avait fait fortune avec les nazis.
Les milliards de Horten qui ont servi à constituer cette collection étaient entre autres la somme des profits de l’aryanisation nazie de grands magasins juifs.
Helmut Horten travaillait dans un grand magasin quand Hitler est arrivé au pouvoir en 1933. Il a profité de la législation anti-juive pour racheter à prix cassé ce magasin à ses propriétaires juifs, Strauss et Lauter, qui ont fui aux États-Unis. Il a ensuite continué d’acquérir des boutiques et des grands magasins appartenant à des Juifs. En 1937, il a adhéré au parti national-socialiste, renforçant ainsi ses relations avec le régime.
Après la Seconde Guerre mondiale, les propriétaires d’origine n’auraient pas réclamé la restitution de leur bien, tandis que l’entreprise de Horten a prospéré pendant plus de deux décennies.
Le banquier de Horten, Wilhelm Reinhold, a servi d’intermédiaire pour l’aider à s’approprier des entreprises juives. Avant la guerre, Horten faisait fièrement la publicité de ses possessions aryanisées dans la presse. Son nom est ainsi devenu une enseigne très remarquée.
Étendant son empire aux Pays-Bas, il s’est accaparé une entreprise juive dont les propriétaires ont été déportés par les nazis. Après la guerre, l’un des survivants a intenté une action en justice pour récupérer son bien. Sans surprise, il a perdu son procès, devant des juges allemands qui auraient été d’anciens nazis – incidemment, le propre père de Horten était un juge allemand.
Helmut est mort en Suisse en 1987, faisant de sa veuve beaucoup plus jeune que lui une héritière milliardaire à la fortune mal acquise. Elle est décédée l’année dernière.
« Monsieur Cerutti, vous avez annoncé que tous les profits de cette vente aux enchères seront versés à ‘‘une fondation pour des causes philanthropiques : soins de santé, protection de l’enfance et accès aux arts’’ ».
« Le Centre Wiesenthal appelle Christie’s à sauvegarder sa propre réputation, soit en annulant purement et simplement cette vente, soit en mettant à la disposition du grand public – par l’intermédiaire de tous les médias – des catalogues exhaustifs de la présente vente Horten, ainsi que de toutes ventes à venir de bijoux, instruments de musique, livres, argenterie ou autres œuvres d’art qui pourraient être le fruit de l’aryanisation ou de la spoliation nazie des biens juifs ».
D’une part, cela pourrait être la dernière chance pour les survivants de reconnaître leurs héritages familiaux. D’autre part, les propriétaires conscients d’avoir acquis des biens à mauvais escient ont de plus en plus hâte de les vendre, surtout après l’affaire largement médiatisée de La dame en or de Gustav Klimt, finalement restituée en 2006. La recherche sur l’art volé par les nazis prend de l’ampleur.
« Comme les restitutions arrivent souvent trop tard, nous faisons appel à Christie’s, en paraphrasant vos propos, ‘‘pour créer une fondation qui sera destinée à une cause philanthropique : pour les survivants de l’Holocauste, leurs familles et l’éducation sur l’Holocauste’’. »
« Nous espérons ainsi que vous annoncerez que cette vente de mai servira à lancer une initiative dédiée à valoriser les ‘‘leçons de l’Holocauste’’ », concluait Shimon Samuels.
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