Rapport de Shimon Samuels et Alex Uberti
Francfort, le 24 octobre 2024
Depuis vingt-trois années, nous surveillons plusieurs salons du livre arabes à travers la Méditerranée et au Moyen-Orient, ainsi que la plus grande Foire internationale du livre, à Francfort, en Allemagne (FBM - la Frankfurter BuchMesse). Nous y identifions les textes et les éditeurs qui colportent la haine, en particulier contre les Juifs. À la FBM, conformément au droit allemand et grâce à nos alertes, les écrits susceptibles de transgresser la loi sont vérifiés et confisqués par la police locale de la Hesse.
Cette année, lors de la conférence de presse de la FBM, Shimon Samuels a demandé à la formidable écrivaine turque, Elif Shafak, si elle avait entendu parler de notre mission annuelle. Elle était curieuse d’en savoir plus. Juergen Boos, le directeur de la Foire du livre et notre ami de longue date, a entendu nos échanges qui l’ont fait sourire, en connaissance de cause.
À la fin de la Foire, nous décernons chaque année un « prix » aux pires exemples de haine. Il revient en général aux éditeurs égyptiens liés aux Frères musulmans, à leurs confrères syriens fidèles à la dictature d’Assad, ou aux éditeurs iraniens qui relaient le récit génocidaire de l’Ayatollah.
L’année dernière, la Turquie avait remporté ce prix, avec des ouvrages négationnistes et d’autres qui promeuvent des théories du complot. Cette année, le stand turc était propre et comportait même ses propres livres en russe, pour la communauté d’expatriés, en constante augmentation, fuyant les conséquences de la guerre.
Cette année toujours, les éditeurs officiels iraniens semblaient discrets, probablement en raison de l’interdiction par le régime des vols internationaux. Les stands officiels arabes provenaient de pays qui n’ont pas l’habitude de divulguer de la littérature anti-juive.
Néanmoins, le stand mixte arabe (hall 4.1, stand B85) a retenu notre attention, avec deux livres qui semblent avoir échappé aux contrôles préalables :
N° 1 - Comparer le Coran à la cause palestinienne à la lumière du déluge de la bataille d’Al-Aqsa, par le cheikh Aladdin Zaatari, éditions Dar Rawd al-Majd, Syrie (la justification du djihad par un religieux islamiste) ;
N° 2 - Les Juifs et leur mépris des religions, listé dans le catalogue de l’éditeur Alam al-Kotob, Égypte. Il s’agit d’un ragot diffamatoire récurrent dans les salons du livre arabes.
Le stand Green Palm Publications, Iran (hall 6.2, stand PRC) répertorie quelques livres problématiques dans son catalogue, notamment :
N° 3 - Les cendres des moineaux, témoignage de 44 crimes du régime sioniste à Gaza, par Ahmed Askari.
Quelques stands présentaient des textes de prosélytisme islamique qui illustrent l’essor des conversions dans les sociétés occidentales.
Un certain nombre d’ouvrages problématiques étaient visibles sur les stands européens et américains, notamment :
Un éditeur irlandais faisait la promotion d’un livre accusant Israël de génocide à Gaza. Depuis le massacre du 7 octobre, nous n’avons pas remarqué de nouveaux livres irlandais sur les horreurs du terrorisme, ce qui nous fait penser que cela pourrait être un signe de résurgence de l’antisémitisme en Irlande.
Un éditeur écossais a présenté à la Foire un seul livre, un livre « de salle d’attente » (livre n° 4) : une collection de photographies de Gaza et des textes qui dépeignent les effets du conflit actuel, sans aucune mention de l’existence, de l’influence et des responsabilités du Hamas.
Un éditeur proche de l’extrême gauche française a exposé un essai collectif, Contre l’antisémitisme et ses instrumentalisations (livre n° 5), qui semble viser à renverser la responsabilité de ce fléau séculaire sur les Juifs eux-mêmes. Cet éditeur a en outre présenté plusieurs livres appelant au BDS, la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions visant Israël (livre n° 6).
Déjà mentionnée l’année dernière, une maison d’édition américaine appartenant à un réfugié palestinien vivant aux États-Unis depuis des décennies montre une obsession pour le sionisme, dépeinte à travers le récit de « l’apartheid » et de la « colonisation ».
Enfin, nous avons également visité les stands d’universités américaines qui proposaient des livres reflétant une année de polarisation partiale sur le conflit au Moyen-Orient, délégitimant Israël.
Quelques exposants d’extrême gauche allemands relayaient également un discours post-colonial anti-occidental, mais après la guerre génocidaire et la défaite du régime nazi, l’Allemagne fédérale a inscrit dans sa Constitution une législation interdisant la publication de textes qui isolent, diabolisent ou expriment de la haine à l’encontre des Juifs.
Le « Prix de la haine 2024 » est décerné à un éditeur syrien (voir livre n° 1) pour sa glorification de l’attaque terroriste meurtrière du 7 octobre contre Israël. Viennent ensuite des éditeurs occidentaux qui jouent avec la sémantique, mais qui justifient de facto l’antisémitisme et renversent les responsabilités. Nous avons déjà vu cette tendance... il y a près d’un siècle.
Shimon Samuels est l’ancien directeur des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal.
Alex Uberti est consultant et chef de projet pour CSW-Europe.
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