par Shimon Samuels, directeur émérite des Relations internationales du Centre Simon Wiesenthal
New Delhi (Inde), le 31 juillet 2024
Monsieur le Président,
Permettez-moi de vous adresser cette lettre concernant la sauvegarde de l’ancienne tombe du prophète biblique Ézéchiel. J’ai soulevé cette question avec la délégation irakienne lors de la 46e session du Comité du patrimoine mondial, qui se tient à New Delhi.
En tant qu’ancien porte-parole de l’Union patriotique du Kurdistan, vous connaissez la valeur du patrimoine culturel dans la nation multiconfessionnelle qu’est l’Irak, et l’importance de l’histoire de Babylone et de la Mésopotamie – le berceau des civilisations – ne vous échappe pas. J’ose donc espérer que vous comprendrez notre problème.
Monsieur le Président, en 2010, l’Irak a inscrit sur sa Liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco le site d’Al-Kifl, qui abrite le tombeau d’Ézéchiel, le prophète juif.
Shimon Samuels rencontre une déléguée irakienne au Comité du patrimoine mondial
à New Delhi (photo CSW-Europe) ; Juifs devant le tombeau d’Ézéchiel, 1932
(photo American Colony Photo Dept., Jérusalem / Eric et Edith Matson) ;
le président irakien Abdel Latif Rachid (photo AP Photo / Jérôme Delay).
Pendant des siècles, jusqu’à leur exode forcé au début des années 1950, des milliers de pèlerins juifs se rendaient dans ce sanctuaire depuis Bagdad et d’autres grandes villes mésopotamiennes pendant la Pâque. Les murs du site présentaient diverses inscriptions et décorations. Une pièce adjacente contenait les tombes de cinq rabbins qui avaient transcrit le Talmud babylonien. Le tombeau avait été protégé et reconnu comme sanctuaire juif par les autorités coloniales ottomanes et britanniques ; il était également fréquenté par des notables musulmans locaux.
Une plaque hébraïque au-dessus de la porte datant de 1810 indiquait : « Voici la tombe de notre maître Ézéchiel le Prophète... Que son mérite nous protège, nous et tout Israël. Amen. »
Le site est censé être protégé par le Conseil national irakien des antiquités et du patrimoine.
Monsieur le Président, nous sommes très préoccupés par le fait que les autorités religieuses (le Waqf chiite) ont affirmé leur revendication sur cet ancien sanctuaire juif. La cour attenante a déjà été transformée en espace de prière musulmane, tandis que les inscriptions et décorations hébraïques ont été effacées. En 2020, il a été signalé que ces autorités transformaient la synagogue du tombeau d’Ézéchiel en mosquée.
Monsieur le Président, nous vous prions instamment de mettre fin à cette profanation progressive.
Nous partageons également cette lettre avec l’Unesco, car cette question la préoccupe à trois titres :
1) Détourner un site est vecteur de haine, en violation directe des principes éducatifs de l’Unesco ;
2) Les dommages physiques et moraux causés à la tombe contreviennent aux dispositions de l’Unesco sur la préservation des sites du Patrimoine mondial ;
3) Il est peut-être temps que l’Unesco mette en place des instruments pour protéger les lieux saints de toute la planète.
Dans une perspective future de paix au Moyen-Orient, les Juifs d’Irak qui ont fui leur pays devraient pouvoir retourner sur les lieux de culte de leurs ancêtres.
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
Dr Shimon Samuels,
Directeur émérite des Relations internationales
Centre Simon Wiesenthal
cc : Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco
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